
« Je suis restée figée sur place. Je n'arrivais pas à croire qu'ils m'obligeaient à rester dans ce club. J'ai regardé Daniel quitter la pièce, me laissant seule avec John dans ce qu'ils appelaient leur chapelle. J'ai secoué la tête en regardant John.
Il savait que je détestais qu'on me dicte ma conduite. Il savait aussi que je ne supportais pas qu'on me prive de ma liberté. Avec ces hommes qui me colleraient aux basques, les choses allaient sacrément changer. Ils seraient comme une ombre que les gens en ville verraient d'un mauvais œil. Même si je me fichais comme d'une guigne de l'opinion des autres, ça risquait de nuire à mon commerce.
— John, il doit y avoir une autre solution, lui ai-je dit. Ça va couler mon affaire. J'aime être tranquille. Être ici va me rendre chèvre, tu le sais bien.
— Je sais Lita, soupira-t-il. Mais je suis d'accord avec tout ce qui peut assurer ta sécurité. Tu sais aussi bien que moi que tu as besoin de cette protection, et Thrasher a raison. En aidant Stone, tu t'es mis des gens à dos. Espérons que tout ça se tasse vite. Mais je suis toujours là si tu as besoin de moi. Allez, viens t'installer, dit-il en se levant pour quitter la chapelle.
En suivant John, j'ai attrapé mon sac sur la table. J'ai vu Stone me regarder de l'autre côté de la pièce. Après tout ce temps, il me faisait toujours cet effet-là. Il me donnait encore des frissons rien qu'en posant les yeux sur moi.
Pas des frissons de peur.
Plutôt le genre qui me parcourait le corps et me réchauffait. Je l'avais toujours apprécié. Il se démarquait dans la foule avec son air calme et décontracté, tout en restant protecteur envers les siens.
Je sentis son regard sur moi jusqu'à ce que je quitte le clubhouse. Sur le parking, un homme plus âgé attendait près du pick-up en tirant sur sa cigarette.
— Lita, voici Mage. C'est l'un des fondateurs du club, annonça John en s'arrêtant devant lui.
— Enchanté, ma belle, dit Mage en me tendant la main.
— Moi de même.
Je lui serrai la main avec un petit sourire.
Mage arrêta sa moto et John se gara derrière lui. Je regardai la maison que j'appelais mon chez-moi. De la voiture, je pouvais voir les jeunes membres condamner les fenêtres brisées. Je sentais le regard de mon demi-frère sur moi, mais je secouai la tête, sortis de la voiture et claquai la portière.
Je passai rapidement devant les jeunes membres, les poings serrés, et entrai dans la maison. Le verre brisé craquait sous mes chaussures, mais quand je regardai autour de moi, j'eus un coup au cœur.
Ma maison était sens dessus dessous. Les murs étaient couverts de graffitis noirs, mes cadres photos brisés, et mon canapé éventré.
Les bottes écrasaient le verre tandis que les gars entraient. Essuyant mes larmes, je me dirigeai vers ma chambre. Je m'arrêtai net en voyant les inscriptions sur les murs.
Comme le salon, ma chambre était dévastée. Ma literie déchiquetée, les cadres et décorations brisés jonchaient le sol, et chaque mur était tagué.
Je traversai ma chambre et pris un grand sac dans le placard. Mais quand j'ouvris les tiroirs pour prendre mes vêtements, je remarquai quelque chose d'anormal.
Mes vêtements étaient déchirés, mais ce qui me donna la nausée fut l'odeur...
— Putain d'enfoirés ! criai-je en claquant le tiroir.
J'allai dans la salle de bain me laver les mains pour me débarrasser de l'odeur d'urine.
— Qu'est-ce qui se passe ? John se tenait à la porte de la salle de bain.
— Ce qui se passe... Je fermai le robinet et me tournai vers mon demi-frère. Par où commencer ? Le café que ma grand-mère m'a légué a été criblé de balles, ensuite tes copains sont venus ici et ont mis la maison sens dessus dessous, et pour couronner le tout, ils ont déchiré et pissé sur tous mes fringues ! Tout ça parce que j'ai sauvé ton pote ! lui criai-je dessus.
Je ne lui laissai pas le temps de répondre ; je bousculai John et quittai la maison.
En fin d'après-midi, John entra dans l'enceinte du clubhouse des Highway Jokers. J'étais toujours en rogne, mais aussi crevée par les événements. John avait déjà mis Thrasher au parfum. Je sortis de la voiture et me dirigeai vers le coffre où un jeune membre récupérait mes sacs de courses.
— Laisse-moi prendre celui-là, dis-je en lui souriant.
Il jeta un coup d'œil rapide au sac que je désignais et rougit.
— Comment tu t'appelles ? lui demandai-je quand il me tendit le sac de Bras 'n Things.
— Deadshot, madame, répondit-il.
Je levai les yeux au ciel.
— Ton vrai nom ? insistai-je.
Il regarda brièvement vers le clubhouse avant de me faire face, hésitant visiblement à le dire.
— Connor, finit-il par lâcher.
Il évitait mon regard, scrutant les alentours. C'était un peu bizarre, mais j'étais trop crevée pour y réfléchir davantage.
— Merci de m'aider, moi c'est Lolita.
Je lui souris. Une fois les sacs récupérés, je suivis Connor à l'intérieur du clubhouse.
— Deadshot ! Dépose les sacs dans la chambre et reviens vite, j'ai du boulot pour toi.
Je sursautai en entendant le cri de Thrasher résonner dans le clubhouse.
— On a envoyé le petit jeune porter tes affaires, lança Daniel.
Il était appuyé contre la table de billard avec Skitzo et d'autres que je ne connaissais pas encore.
— Ouais, je crois que le petit jeune ne voulait pas qu'on le voie trimballer des soutifs et des culottes.
Je souris en brandissant le sac rose de Bras 'n Things.
Daniel se redressa, fixant le sac dans ma main. Son regard s'assombrit et s'intensifia, mais je suivis Connor avant que Daniel ne puisse faire ou dire quoi que ce soit.
Je remerciai le jeune membre qui déposa les sacs sur le lit avant de partir voir ce que voulait Thrasher. Alors que je fouillais dans les sacs de nouveaux vêtements, je soupirai. Je ne remarquai même pas qu'il y avait quelqu'un à la porte jusqu'à ce que je me retourne pour ranger les vêtements dans les tiroirs.
— Putain, tu m'as fait peur, dis-je doucement à Daniel.
— Désolé, dit-il en mettant ses mains dans les poches avant de son jean et en entrant dans la pièce. Alors, toi et Saw, hein ?
Je jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule à Daniel qui fouillait dans un des sacs.
— Pourquoi ? T'es jaloux ? Je retournai vers le lit et lui pris le sac des mains.
— Je me demandais, c'est tout. Il haussa les épaules.
— Non. John est mon demi-frère. Je rangeai les hauts dans le tiroir. Mon père a rencontré sa mère et ils se sont bien entendus. Ils se sont mariés juste après que j'ai fini le lycée, lui expliquai-je. C'est quoi ton histoire à toi ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-il en s'asseyant sur le lit pendant que je rangeais le reste des vêtements.
— Tu avais de bonnes notes au lycée et une fois diplômé, tu as disparu. Maintenant, dix ans plus tard, tu réapparais... en m'entraînant dans tes embrouilles.
Ses yeux croisèrent rapidement les miens.
— Tu crois que je voulais te mêler à tout ça ? Tu penses que je voulais me faire tirer dessus ?
Je haussai les épaules, essayant de ne pas me laisser troubler par l'intensité de son regard.
— Je ne sais pas, Daniel. J'allais bien avant que tu ne reviennes dans ma vie. Je fermai doucement le tiroir. J'avais un commerce et une maison, mais maintenant tout est criblé de balles.
Il se leva brusquement, me faisant reculer. Ses yeux s'assombrirent de colère et de danger.
— Tu ferais mieux de surveiller ce que tu dis ici, ma belle, dit-il d'une voix basse et menaçante.
— Sinon quoi ? Je plissai les yeux.
Il s'avança vers moi, si près que nous respirions le même air.
— Tu apprendras à la dure à respecter les hommes de ce club si tu ne contrôles pas tes paroles, gronda-t-il à voix basse.
— Tu ne me fais pas peur, Daniel. Je ne bougeai pas. Il me faisait ressentir tout autre chose, mais jamais je ne lui avouerais.
— Stone. Mon nom est Stone. Pas Daniel.
Sur ces mots, il quitta la pièce.
Je faillis sursauter quand il claqua la porte, mais au moins je pouvais enfin respirer. »