Lacey Martez Byrd
ADA
J'étais assise sur la terrasse de mes parents, admirant leur pelouse parfaitement entretenue et écoutant le faible bourdonnement de leurs voix qui dansaient ensemble pendant que mon père s’occupait du barbecue.
Ils parlaient de moi - je le savais, même si je n’y prêtais pas vraiment attention - J'étais à peine réveillée.
Les voix étouffées s’arrêtèrent lorsque ma mère arriva par les portes-fenêtres, et j’étais prête à parier qu'elle avait une cruche de citronnade à la main.
Oh, j’étais tellement loin de la vérité.
La citronnade était bien là, mais ce n'était pas ma mère qui l’apportait.
Non, elle était occupée ailleurs.
« Ada. »
Je sentis mon cœur rater un battement en entendant la voix de Trey. Je me retournai pour voir ses magnifiques yeux verts. Ses yeux qui me faisaient perdre la tête avant… et pour être honnête, c'était toujours plus ou moins le cas.
Et ça me rendait malade.
Qu’est-ce que ça disait de moi ?
J’étais vraiment si faible que ça ?
J’étais vraiment aussi pathétique que ça ?
J'arrachai mes yeux des siens et regardai mon père. Il secoua la tête et resserra sa prise sur la poignée du grill. L’espace d’une seconde, je crus qu’il allait l'arracher et frapper Trey avec.
Ça aurait été un sacré spectacle.
Au lieu de ça, il entra dans la maison. Pour donner le fond de sa pensée à ma mère, sans aucun doute.
Je reportai mon attention sur Trey.
« Qu’est-ce que tu fais là ? »
Il tira une chaise et s'assit juste à côté de moi, ses yeux ne quittant pas les miens.
Je remarquais à quel point ils étaient rouges. Il avait l'air... fatigué. Je faillis tendre la main pour caresser son visage… avant de me souvenir que je ne pouvais plus le faire. Mais j'en avais encore envie.
Faible.
Pathétique.
« Il fallait que je te voie. Je te dois des explications… Et ta mère... »
C’était forcément une mauvaise plaisanterie.
« M’expliquer quoi, exactement ? Expliquer pourquoi tu as couché avec quelqu'un d'autre que ta femme ? Expliquer pourquoi tu as demandé le divorce avant d’essayer de faire marche arrière ? Expliquer pourquoi tu parles encore à ma mère ? »
J'avais hâte de l'entendre.
Il essaya de me prendre les mains, mais je les retirai pour les poser sur mon ventre, avant de rapidement les remettre sur mes genoux. Mais c'était trop tard, il l'avait déjà remarqué.
Il pencha la tête, ses coudes posés sur ses genoux.
« Désolé, c'est un réflexe », expliquai-je.
Je n’arrivais pas à croire que j’étais en train de m’excuser.
Faible.
Pathétique.
Avant que je ne puisse l'arrêter, il passa sa grande main sur mon ventre en fermant les yeux.
« Moi aussi je le voulais, tu sais ? » chuchota-t-il.
C’était au-dessus de mes forces. Je n’y arriverai pas.
Pas maintenant.
Ni jamais.
C'était trop douloureux, et j'avais peur que ce soit toujours le cas.
Je sentais les larmes me monter aux yeux, mais je les ravalais en me levant avant de me diriger vers la porte, remerciant le ciel d’avoir mis une robe avec des poches.
Mes clés étaient bien là, me permettant de m’éclipser rapidement.
Mais je n’eus même pas le temps d’atteindre le jardin que Trey me rattrapa. Ses doigts me brûlèrent lorsqu'ils s’enroulèrent autour de mon poignet.
« Écoute-moi, s’il te plaît je t'en supplie », insista-t-il en me faisant tourner sur moi-même.
Je n'ai rien répliqué. Parce que je n’en avais pas la force.
« Ça ne voulait rien dire. » Il secoua la tête avant de poursuivre.
« Je te le jure. J'étais bouleversé à cause de... j'étais bouleversé. Et je me suis bourré la gueule – et c'est arrivé comme ça. Mais ça ne voulait rien dire, bébé. Tu es la seule qui compte. »
J’aurais pu y croire.
J'avais déjà entendu tout ça, mais ça ne m'a pas fait moins mal. Ça me touchait toujours aussi profondément.
Quand un ami du lycée m'avait envoyé une photo de mon mari en train d'embrasser une fille dans un bar, je n'avais pas voulu y croire. J'étais même en plein déni.
Ce genre de choses n'arrivait qu'aux personnes qui avaient déjà des problèmes dans leur mariage. Nous étions heureux.
Quand il est rentré à la maison et que je l'ai confronté, il a nié, mais j'ai vu une émotion que je ne lui connaissais pas traverser son visage… la culpabilité.
C'était le même regard que celui qu’il avait en ce moment.
« Alors pourquoi demander le divorce, pour finalement me supplier de ne pas aller jusqu'au bout ? Ça n'a aucun sens. » Je soupirai, à bout.
« Je sais. C’est juste que j’étais tellement en colère quand tu es partie... J'étais en colère contre moi-même, mais je m’en suis pris à toi. Je suis tellement désolé, Ada. »
Il approcha sa paume de mon visage, et je le laissai bêtement faire. C'était si agréable, si réconfortant.
Même si ça n'aurait pas dû être le cas.
« Je peux te faire un câlin ? » chuchota-t-il.
Je fermais les yeux en hochant la tête.
Quelle idiote.
Avec Trey, j’avais l’impression d’être à ma place. Il faisait partie de moi, quels que soient mes sentiments pour lui.
Est-ce que ce sera toujours le cas ?
Est-ce que je me sentirais un jour réconfortée par quelqu'un d'autre ?
Il commença à me frotter doucement le dos, et je me laissais aller contre lui.
J'entendis soudain la porte s'ouvrir.
« Je crois qu’il est temps que tu t’en ailles, fiston. »
Mon père était un homme patient, mais il ne valait mieux pas le mettre en colère. Et le meilleur moyen d’y arriver, c’était de briser le cœur de sa fille.
Et mon cœur avait été brisé.
Trey me lâcha avant de se reculer.
Ses yeux s’attardèrent sur mon visage, avant de descendre sur mon ventre. J’avais envie de le cacher avec mes mains, mais je ne voulais pas que mon père le remarque.
Mes parents ne savaient pas que j'avais été enceinte, et maintenant j'étais heureuse de ne pas leur avoir dit.
Pas la peine de leur faire de la peine inutilement.
Au lieu de ça, je restai plantée là, laissant les larmes couler sur mes joues. Trey leva une main pour les essuyer, mais préféra finalement s’abstenir.
Il enfonça ses mains dans ses poches avant de s’en aller en direction de sa voiture.
Mon père s’avança vers moi et je levai les mains en l’air. Je sentais qu'il n’avait rien à voir dans ce guet-apens, mais je devais d'abord m'en assurer.
« Je n’étais pas au courant, ma puce », dit-il avant de me prendre dans ses bras. Je pleurai sur son épaule jusqu'à ce que ma mère ne puisse plus garder le silence.
« Tu aurais pu les laisser finir de discuter, Keith », dit-elle.
« Ada est assez grande pour décider elle-même si elle veut lui parler », répliqua-t-il.
Mon papa. Toujours de mon côté.
Ma mère soupira et retourna dans la maison.
Elle savait qu'elle avait tort – c’était obligé.
« Tu sais que j'aime ta mère, Ada. Je serais prêt à prendre une balle pour elle. Mais parfois, je ne comprends pas du tout ce qui lui passe par la tête. »
Je reniflais. Je ne sais pas si j’avais déjà, un jour, compris ma mère.
« Il est complètement fou d’être venu ici. J’en reviens pas que tu ne l’aies pas frappé. » plaisantai-je.
« C’est pas l’envie qui manquait, crois-moi. Mais il n'est pas fou, ma puce. Il est désespéré. »
J’observais mon père. Il m'avait toujours semblé gigantesque. Mais la tristesse dans ses yeux le faisait paraître moins imposant, et je détestais ça.
Je savais qu’il était triste pour moi, et je savais qu’il le serait jusqu’à ce que je ne le sois plus.
Je devais me ressaisir.
Mon mariage était terminé, que Trey le veuille ou non. Nous avions tous deux signé les papiers.
Je les avais signés parce qu'à la seconde où Trey m'avait trahie, j'étais brisée. C’était terminé.
Il les avait signés par ce que c’est lui qui avait demandé le divorce sous le coup de la colère, et qu’il savait qu’il n'arriverait pas à me faire changer d’avis.
Même s’il ne semblait pas vouloir abandonner.
Dommage pour lui, mon mur était indestructible – et ce, pour toujours.
Ce n’était pas valable seulement pour Trey, mais pour tout le monde.
Plus personne n'aura plus aucun contrôle sur mon cœur.