
Awake and Alive French
Jess, jeune hackeuse surdouée de Tel Aviv, réprime sa nature de loup-garou depuis qu’elle a été mordue, de peur d’être dépassée par ses instincts.
Chaleur
Tel Aviv, aujourd’hui
Jess
Je me lève, après une autre nuit agitée dans ma chambre. Je regarde rapidement le réveil posé sur ma table de nuit et je cherche sur mon téléphone pour voir si je n’ai pas reçu un message important. Celui que j’attends depuis trois jours, celui d’Alon. Il travaille en tant que biologiste dans une autre section du département militaire de la base de Glilot, à l’entrée de Tel Aviv.
Toujours rien :
« Put…, j’espère que ces prochains jours se passeront bien. Demain c’est la pleine lune et je n’ai plus mes précieuses pilules qui me permettent d’atténuer les symptômes et de camoufler mon odeur… »
Il est vrai qu’Alon ne comprend pas le stress que je ressens. Il me prépare ces gélules à base de protéines de menthe et thym modifiées. Cela fait cinq ans qu’il travaille sur ce prototype, un médicament destiné à faire baisser la tension artérielle. Après avoir fait ses dernières batteries de tests, le ministère de la santé lui a formellement interdit de produire cette protéine jusqu’à ce qu’elle soit approuvée par la FDA.
Je n’ai pas de problème de santé, ni de tension, je suis juste une loup-garou qui cache son secret et j’ai besoin qu’il me fournisse ces gélules pour continuer une vie, si on peut le dire ainsi, normale. Elles me permettent de camoufler mon odeur. Ainsi, je suis à couvert. Si d’autres loups-garous se promènent, ils ne me repéreront pas. Cela fait cinq ans que j’ai été transformée contre mon gré. Une stupide histoire de cœur qui a mal tourné. Tom s’est avéré être le parfait pervers narcissique que l’on décrit dans les faits divers. Sauf que dans son cas, c’était un loup-garou. Encore aujourd’hui, je me demande comment j’ai fait pour tomber dans le panneau. Cela ne sert à rien de ressasser le passé, je m’en suis sortie toute seule comme une grande, sans l’aide de personne. Juste peut-être un électrochoc. Ce genre de petit détail qui vous fait ouvrir les yeux, et regarder en arrière un instant. Une phrase qui suffit à éveiller cette petite voix intérieure. Si on l’écoute bien, c’est un murmure au départ, qui vous incite à prendre vos jambes à votre cou. Puis ce murmure, si vous lui en laissez la place, se transforme en hurlement qui vous met devant le fait accompli : « Regarde tout le chemin que tu as parcouru. » Tomber entre les griffes d’un homme tel que Tom, c’est avancer dans les méandres de la folie pas à pas. Évidemment, un monde sépare l’homme de la première rencontre et celui de la fin de votre histoire. En avançant petit à petit, vous ne vous rendez pas compte du chemin que vous parcourez, ni que vous abandonnez petit à petit votre essence. Dans mon cas, Tom a voulu faire de moi un monstre et il y est arrivé.
Je gère plutôt bien mes chaleurs en général, grâce surtout aux pilules miracles. La seule chose qu’elles n’atténuent pas est le jour de pleine lune. Quand cette dernière est quasiment remplie, je commence déjà à ressentir l’appel de l’état sauvage. Demain la lune sera pleine et je n’aurai pas d’autre choix que de laisser ma louve prendre le dessus. Manque de chance, j’ai également une chaleur qui démarre. C’est très perturbant d’agir comme un animal pur, et je vais envoyer dans l’air un signal, comme un appel à la reproduction. Cela se traduit forcément par une excitation intense et un appétit sexuel hors normes.
Je me lève pour aller à la salle de bain. En m’observant dans le miroir, je peux déjà voir les reflets de ma louve qui se tapit derrière. Mes pupilles prennent une couleur ambre électrique. Je souffle pour tenter de contenir la panique. Il ne faut pas que je la laisse m’envahir. Ce soir après le travail, je me mixerai une botte de menthe. Ça n’est pas très digeste mais cela m’aidera à atténuer ma chaleur, en attendant de trouver une autre solution pour les pilules d’Alon.
Je sens que ma transpiration s’intensifie. Ma peau palpite, mon cœur s’emballe. La chaleur va m’envahir d’une minute à l’autre. Je sens mon entrejambe qui demande un toucher, une pénétration. L’appel à la reproduction va commencer et c’est répugnant. J’aime le sexe, mais cet appétit inhumain me répugne.
Je cours sous la douche, ma peau commence à chauffer, j’ai du mal à réguler ma température. J’ouvre l’eau, encore trop chaud... Je règle la température jusqu’à sentir de l’eau glacée se répandre depuis le haut de mon crâne sur mes membres endoloris. La chaleur entre mes cuisses se fait sentir de plus en plus. Je n’ai pas d’autre choix que de commencer à me masser lentement. Je commence par une caresse douce et apaisante. J’enfonce mon doigt entre mes lèvres, mon clitoris est déjà gonflé et attend juste d’être soulagé.
J’agite mon doigt sur la petite crête en haut à droite, rapidement, pas de temps à perdre, et je prends ma deuxième main pour maintenir ma prise en place puis j’agite mon doigt de haut en bas. Je sais que l’orgasme ne se fera pas attendre ainsi et calmera pour quelques heures ma chaleur incontrôlable. C’est purement mécanique, aucun fantasme ni plaisir intense, juste pour me soulager. Je me sens venir et je contracte mes cuisses, mes orteils se recroquevillent. Quand je sens l’orgasme libérateur arriver, une étincelle se produit dans mon cerveau. Je reprends mon souffle petit à petit et sors de la douche comme si rien ne venait de se passer. Ma journée peut enfin commencer.
…7h45
Mon téléphone annonce que ma navette est sur le point d’arriver en bas de chez moi. J’avale la fin de mon café et attrape mon sac. Je ferme la porte et dévale les escaliers à toute vitesse. Je me dis en mon for intérieur que je peux le faire, je peux survivre à cette chaleur, cela fait cinq ans et je suis une femme forte, je vais survivre et continuer à avoir une vie normale.
Le minibus s’arrête devant moi, j’ouvre la porte un peu trop fort (« foutue force de loup »), et m’installe sur un siège.
« Salut, comment vas-tu Jess ? Dis, la prochaine fois que je veux rentrer par effraction chez quelqu’un, je peux faire appel à toi ? Aucune porte n’a l’air de te résister. » Je me retourne pour fusiller du regard Alon qui rit à gorge déployée, avant de m’adoucir et de lui répondre en souriant, en me répétant au fond de moi : « Ne sois pas désagréable, Jess, fais comme si de rien n’était, ne laisse pas ton impulsivité animale prendre le dessus. »
Alon me lance un sourire espiègle et nous continuons notre trajet. Le minibus s’arrête encore deux fois pour prendre d’autres employés sur le chemin et nous nous dirigeons vers la base militaire de Glilot. L’avantage de travailler pour l’armée dans le département cybersécurité c’est que je n’ai pas à me soucier de prendre les transports en commun.
En arrivant à mon poste, j’allume mon ordinateur et commence à regarder les tâches que j’ai à faire aujourd’hui. Je suis une fourmi parmi d’autres ici. Nous avons été recrutés et formés par une section du prestigieux « 8-200 » pour être l’élite des hackers, rattachés à l’armée, mais nous ne sommes pas militaires. Qu’est-ce que nous hackons exactement ? Pour notre propre sécurité nous ne le savons pas, mais nous nous en doutons évidemment. Peut-être que dans le monde du travail nous serions tous séparément des vrais génies, mais ici je me sens bien, car je me fonds dans la masse, je ne suis qu’un maillon de la chaîne.
Mon patron, Lior, rentre dans la pièce. Il est de ces personnes qui par leur seule présence impose le respect et le silence. Tout le monde se tait et il dit d’une voix douce et ferme : « Bonjour, tout le monde. » Certains répondent, d’autres pas, et d’autres hochent la tête.
Il parcourt du regard la salle et ses yeux se connectent aux miens, il traverse la pièce, je me replonge dans mon « board » des tâches du jour à faire. Se dirige-t-il vers moi ?
Je sursaute légèrement quand j’entends sa voix :
« Salut Jess, ça va ? »
« Heu … Oui Lior, ça va bien et toi ? »
« Je voulais savoir quand tu comptais prendre quelques jours de congé. »
« De quoi …? Pardon …? »
« Oui des jours de congé, de vacances quoi. »
Il me regarde prendre un air incrédule. Mais pourquoi me demande-t-il de prendre des jours de congé ? Serait-il secrètement au courant que les prochains jours vont être difficiles pour moi ? Je suis clairement en pleine crise de paranoïa. Je reste bouche bée et il reprend la parole :
« Je vais te parler sans détours, tu es la seule qui ne prenne jamais de vacances, ni de repos. Cela ne me pose aucun problème et je suis de la même trempe. Mais ces derniers jours, je vois que des cernes apparaissent sous tes yeux, ce qui veut dire que tu as accumulé beaucoup trop de fatigue. Il est de mon devoir de te demander de poser quelques jours de congé, car je te veux en forme. Un hacker fatigué peut faire beaucoup d’erreurs et je ne veux pas que ça arrive. »
Toujours sous le choc :
« Oh, ça va aller Lior, ne t’inquiète pas, et puis j’ai déjà pris des vacances et je ne sais même pas s’il me reste des jours cotisés. »
« J’ai demandé aux RH, Jess. En cinq ans, tu as pris un jour et demi pour le mariage de ton amie… »
Je reste sans voix…
« Tu me mets à l’écart ? » Je suis blessée et cette remarque m’échappe.
« Pas du tout, Jess, tu vois bien que c’est calme en ce moment, il n’y a pas de crises majeures, et c’est pour ça que je te propose de prendre des jours de congé. Tu préférerais que ce soit un ordre ? »
Je le jauge pendant ce qui me paraît être une éternité, ne sachant pas quoi répondre, puis je brise le silence:
« OK, je vais prendre deux ou trois jours. »
Ça ne pourra pas me faire de mal, j’ai une chaleur et cette putain de pleine lune qui arrive.
Il lève la main pour m’arrêter :
« Va voir les RH et prend la totalité des vacances qui te sont attribuées, je me suis déjà arrangé avec eux. »
Lior agit comme un père envers moi, c’est lui qui m’a recrutée sur le campus de Beer-Sheva où je terminais mon master, fraîchement arrivée en Israël depuis un an. Il m’a, à vrai dire, sûrement sauvé la vie, mon bourreau aurait fini par me tuer dans sa folie.
« OK. »
« Promis ? »
« Promis. »
En allant parler avec les RH, j’ai découvert que j’avais droit à près de trois semaines de vacances. Je me dirige vers le laboratoire d’Alon.
« Hey comment ça va ? »
« Mais voilà ma petite française préférée, qu’est-ce que tu fais là ? »
« Figure-toi que Lior m’a obligée à prendre des vacances. »
« À vrai dire, il n’a pas tort, je n’osais pas te le dire, mais t’as vraiment une sale tronche ces derniers jours. »
Je lui donne une petite tape sur l’épaule et lui réponds par un « Hey », en rigolant.
« Non, mais sérieusement, tu me vois moi ? Ne pas travailler ? Et qu’est-ce que je vais faire de tout ce temps libre ? »
« Bah je ne sais pas, te détendre, faire des grasse mat’, aller à la plage, te saouler au bar avec tes copines… »
« La plage j’y vais pendant mon temps libre et boire un verre avec des copines aussi. J’ai une sale tronche, mais à qui la faute ?? Hein ? »
« Désolée, chérie, mais je n’ai pas encore le feu vert, je n’ai jamais vraiment compris comment ça te permettait de dormir, ce n’est pas le but premier de ce médicament. Donc si tu es fatiguée c’est que tu as besoin de vacances. »
« Mais qu’est-ce que je vais faire pendant trois semaines ?? »
« Waouh trois semaines ? T’en as de la chance ! Allez lâche prise et va te détendre. Je te tiens au courant si j’ai le droit de te redonner tes gélules. » Il m’ébouriffe les cheveux « Espèce de droguée, va. »
Je prends un taxi pour rentrer chez moi, j’habite le sud de Tel-Aviv. Ça peut paraître mal famé et une jeune fille ne s’aventurerait pas à vivre seule dans un quartier pareil. Mais je ne suis pas n’importe quelle fille et au moins j’ai une cave à moi dans laquelle je peux m’enfermer et me ligoter les nuits de pleine lune. Je ne sais pas si j’ai terrorisé des habitants, mais jamais personne ne s’est plaint de quoi que ce soit. Je passe inaperçue.
Je marche avec une angoisse au ventre qui se creuse. Je n’ai jamais eu le temps d’être seule face à mes cauchemars en cinq ans. Je vais avoir du temps pour repenser à mon calvaire et ça ne me plaît pas du tout.
Je ferme la porte de chez moi et m’adosse à elle, je transpire, je sens qu’une chaleur me prend, mais cette fois-ci, je n’aurai pas le temps de me soulager, elle est beaucoup trop intense et rapide. Je déchire mes vêtements et me mets à même le sol frais en sous-vêtements en attendant que la vague passe. Tout devient noir, je perds connaissance….







































