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La cloche retentit deux fois, et l'homme en face de moi me lança un regard noir.
Je le toisai avec défi. Il devait avoir dans les 23 ou 24 ans. Ses cheveux foncés étaient coiffés sur le côté tandis qu'il m'observait.
Il mijotait sûrement un plan pour me mettre au tapis. Moi, j'avais déjà ma stratégie en tête. Il suffisait d'attendre le bon moment.
Après ce qui sembla une éternité, mais qui ne dura en réalité qu'une minute, le gars se jeta sur moi, visant mon visage.
Je réagis au quart de tour, m'accroupissant et attrapant son bras. Je le tordis derrière son dos, comme un flic qui maîtrise un malfrat.
L'homme essaya de se dégager. Quand j'estimai qu'il en avait bavé, je le lâchai et le poussai brutalement au sol.
Il poussa un cri de douleur, ce qui me fit sourire intérieurement. Je portais une brassière de sport violette, un pantalon noir mi-long et un sweat à capuche violet. La capuche était relevée pour cacher mon visage.
L'homme se releva et chargea de nouveau, mais je l'esquivai. Il se cogna contre un des poteaux qui entouraient le petit ring où on se battait.
Le choc suffit à l'assommer.
Je levai les yeux au ciel et croisai les bras. Ce type n'avait rien à faire ici. Je l'avais à peine effleuré.
« Et la gagnante est... White Wolf ! » beugla l'annonceur dans son mégaphone pour la sixième fois de la soirée.
La foule scanda mon nom et je souris à nouveau. Mais il était déjà 23h et j'avais cours demain. Il fallait que je file. On était dimanche soir, et heureusement, j'avais bouclé tous mes devoirs.
Je saluai d'un signe de tête la foule en délire et allai récupérer mes affaires. J'ouvris ma gourde et bus à grandes gorgées, laissant mon cœur se calmer et reprenant mon souffle.
Je savais que Blake m'observait du fond de la salle, comme d'habitude. Il restait toujours en retrait et assistait à tous mes combats. Mais il ne se battait jamais lui-même, du moins pas à ma connaissance.
« White Wolf... » commença Nancy, mais je secouai la tête, lui faisant comprendre d'un regard que je devais rentrer.
Elle acquiesça et se dirigea vers l'annonceur.
Je me retournai et rangeai ma gourde dans mon sac de sport. C'est alors que je sentis quelqu'un respirer dans mon dos.
Je me figeai et regardai d'abord devant moi, pour que la personne derrière ne sache pas que je l'avais repérée.
J'entendis de légers pas s'approcher. Quand ils furent assez proches, je pivotai brusquement et attrapai les bras de l'individu. Je les tordis derrière son dos, les soulevant plus haut pour accentuer la douleur.
« Ne me fais pas ce coup-là », dis-je d'une voix basse et menaçante.
Je reconnus tout de suite Blake à sa chevelure et sa carrure. Il avait des yeux gris et des cheveux d'un noir de jais. Ses épaules étaient larges et son torse musclé.
« Wow... t'es vraiment balèze », dit Blake, le souffle coupé et visiblement en souffrance.
Je levai les yeux au ciel. Il flanchait déjà. « Alors... tu viens mater tous mes combats, mais tu ne te bats jamais. Pourquoi ? » demandai-je en poussant un peu plus ses bras.
Son visage se crispa de douleur tandis qu'il fermait les yeux et se mordait la lèvre. « Je répondrais si tu me lâchais sans me péter le bras. S'il te plaît », articula-t-il avec difficulté.
Je ris doucement et le relâchai. Il vacilla légèrement, mais ne tomba pas. Il se retourna en se frottant les bras.
Ses yeux gris s'illuminèrent en me détaillant - enfin, tout sauf mon visage. J'inclinai la tête, rabattant davantage ma capuche maintenant qu'il était plus proche.
« Pourquoi tu te planques toujours sous une capuche ? Qu'est-ce que tu caches ? » demanda-t-il, l'air très curieux.
Je haussai les épaules. « En quoi ça te regarde ? » répondis-je du tac au tac.
Il rit et je vis qu'il se sentait mieux à la façon dont il bougeait son bras et le massait pour soulager la douleur.
« J'étais juste curieux », dit-il.
« Oui, et moi aussi », rétorquai-je.
« White Wolf. On y va ! » appela Nancy.
Je me sentis soulagée. Dieu merci. J'attrapai mon sac et resserrai ma capuche, m'assurant qu'on ne voyait rien d'autre que mes yeux brillants.
« Un jour... on découvrira tous qui tu es, White Wolf. D'une manière ou d'une autre », entendis-je Blake dire derrière moi.
Je m'arrêtai net. Il n'oserait pas faire ça...
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Secouant vivement la tête, je serrai mon sac plus fort et me précipitai vers la voiture de Nancy. Blake ne pouvait pas, et ne devait pas, découvrir qui j'étais vraiment. Si ça arrivait, je serais dans de beaux draps.
Je regardais White Wolf se diriger vers la voiture de son manager. Il y avait quelque chose chez elle qui me semblait à la fois étrange et familier, sans que je puisse mettre le doigt dessus.
Je me frottai à nouveau le bras, ressentant encore la douleur de quand elle me l'avait tordu - manquant presque de le casser.
J'allais la voir combattre tous les deux jours. J'observais et j'étudiais sa façon de se battre. Peu importe son adversaire, elle semblait toujours avoir un tour dans son sac pour le vaincre.
Je ne me battais pas beaucoup dans la rue. J'avais participé à quelques bagarres auparavant et j'en étais sorti vainqueur, mais je ne pensais pas pouvoir jamais battre White Wolf. Je ne pensais pas que qui que ce soit le pourrait.
La façon dont son corps bougeait rapidement de gauche à droite pour esquiver les coups et lancer ses poings. C'était comme si elle lisait dans les pensées de ses adversaires avant même qu'ils n'agissent.
Je l'ai vue pour la première fois il y a environ sept mois. Quelque chose chez elle m'intriguait, me donnait envie de percer son mystère.
Ses yeux. Ces yeux noisette brillants, j'avais la certitude de les avoir déjà croisés quelque part. Je ne savais pas où, mais j'en étais convaincu.
Ils étaient fascinants à regarder. Mais ils étaient aussi remplis de haine, de colère et de douleur. Tout le monde a ses raisons d'agir.
J'étais persuadé qu'il y avait une histoire, une raison derrière ses actes.
Je regarde les deux prochains combattants entrer dans le ring, tournant l'un autour de l'autre comme des fauves prêts à bondir.
Quittant la ruelle où se déroulent les combats de rue, je me dirige vers ma Ford Fusion noire de 2012. Je m'installe au volant, fais marche arrière et prends la route de la maison.
Je pense à Claire. Depuis notre rencontre fortuite il y a deux nuits, elle m'intrigue. Elle est difficile à cerner, très mystérieuse.
Elle a dit qu'elle gardait un sac de sport pour une amie, puis elle est partie. Mais pourquoi est-elle sortie du gymnase cinq heures plus tard, avec le même sac ?
Pourquoi aurait-elle le sac de sport de son amie ?
Et la fille qui l'accompagnait... elle me disait vaguement quelque chose. Tout chez Claire semblait louche. Mais louche dans quel sens ?
Je l'ai vue à l'école, mais nous n'avons jamais échangé un mot. La plupart des gens là-bas pensent qu'elle est muette.
Elle est la « fille sage » de l'école. Quand les gens se moquent d'elle, soit elle sourit d'un air entendu, soit elle lève les yeux au ciel si elle n'est pas d'humeur.
Ashley est la principale à s'en prendre à Claire. Notre école est très typique, avec tous les groupes habituels : pom-pom girls populaires, gothiques, emos, intellos, mauvais garçons, sportifs, et j'en passe.
Claire a droit à de nombreux surnoms : Bizarre, muette, fille sage, chouchou des profs, nulle... et bien d'autres.
Ashley et Claire ne peuvent pas se voir en peinture depuis avant la quatrième. Personne ne sait pourquoi. Pas même moi. Je suppose que je suis ce qu'on appellerait un mauvais garçon, même si je ne me vois pas comme ça.
C'est vrai, j'ai enfreint quelques lois - dégradé des choses, détruit des biens de l'école, participé à quelques bagarres.
Après ma première bagarre, les filles ont commencé à me tourner autour et les gars à vraiment me détester.
Je sèche souvent les cours pour traîner avec mes potes. Personne ne sait que je m'intéresse à Claire, ni que je regarde White Wolf tous les deux soirs.
Ils n'ont pas besoin de le savoir - ils me prendraient pour un idiot.
Je me dis que j'ai juste pitié de Claire, mais chaque fois que je vois des gens se moquer d'elle, je vois de vraies émotions dans ses yeux.
Je vois des éclairs de colère, de tristesse, de regret, de désespoir et de honte. Elle est douée pour cacher ses sentiments, cependant. La plupart du temps, personne ne peut deviner ce qui lui trotte dans la tête.
Alors que je me gare dans mon allée, mon téléphone sonne. L'écran affiche : Nick. Nick est l'un de mes meilleurs potes. On se connaît comme si on était frères depuis mon arrivée dans le quartier.
« Ouais ? » je réponds, essayant d'avoir l'air normal.
« Blake, hey... devine quoi ? » demande Nick, l'air surexcité.
« Quoi ? » je demande, intrigué par son ton.
« Je viens de me battre », dit-il, l'air fier mais aussi un peu inquiet.
« Contre qui ? » je demande, surpris.
« White Wolf », répond-il, sa voix trahissant maintenant clairement son stress.
Eh bien, voilà qui devient beaucoup plus intéressant - pour White Wolf, du moins.
