Quelque Part au-dessus des Nuages

RIVER

« River, ce sont les meilleurs cookies que tu aies jamais faits. »

Mon frère a dit en en mettant un autre dans sa bouche.

« Tu dis ça à chaque fois que je les fais. » J'ai levé les yeux au ciel.

« Et je le pense à chaque fois. »

Il m'a fait un sourire niais et je n'ai pas pu m'empêcher de lui rendre son sourire.

C'était tellement agréable d'être dans une maison avec un autre être humain qui reconnaissait ma présence et qui était aussi de ma famille. Je ne me souvenais pas de la dernière fois où cela avait été le cas.

« Beau, si tu manges encore un cookie, je te mets à la porte », a menacé Jackson.

Beau a tendu un long bras à travers la table et s'est rempli la bouche avec un autre biscuit et je me suis demandé où il avait mis tout ça.

C'était un grand garçon, mais il semblait maigre, comme quelqu'un qui refuserait tout ce qui est sucré et préfèrerait le poulet et les légumes fades.

« Tu vis ici ? » J'ai demandé à Beau, mais Jackson s'est empressé de répondre à sa place.

« Pas vraiment, mais il est toujours là. »

Beau s'est éclairci la gorge avant de prendre la relève de mon frère.

« Je partage un appartement en ville avec quelques autres gars. »

J'ai remarqué qu'il ne levait jamais les yeux quand il parlait.

Il me regardait quand je lui parlais, mais dès qu'il ouvrait la bouche, ses yeux étaient sur tout autre chose que les miens. J'ai décidé que c'était désormais une mission personnelle d'amener Beau à établir un contact visuel.

« Il paie un loyer là-bas, mais c'est à peu près tout », a soufflé Jackson.

« Pourquoi ne pas simplement rester ici ? » J'ai rétréci mes yeux et essayé de diriger son regard vers le mien, sans succès.

« Jackson n'avait pas de chambre de libre quand je me suis présenté, alors je me suis plus ou moins retrouvé coincé dans l'appartement où je suis. Et maintenant que ses colocataires ont été transférés… »

« Je suis là », j'ai terminé pour lui et il a hoché la tête.

« Hé, faisons une fête ce soir », a dit le nouveau gars depuis le canapé où il s'est immédiatement mis à l'aise après avoir fait irruption.

J'ai appris qu'il s'appelait James peu après que mon frère l'ait presque mis à la porte pour avoir juré devant moi.

Tellement théâtral.

« James, ta mère t'a souvent fait tomber sur la tête quand tu étais bébé, ou tu ne fais simplement pas attention ? »

Jackson était la seule personne que je connaissais qui pouvait parler à quelqu'un de cette façon et le faire avec gentillesse.

« Sa sœur vient d'arriver... Pas de fête ce soir », a ajouté Beau.

« Mais demain ? » A demandé James.

Ils m'ont tous regardée et j'ai haussé les épaules.

« Ce sera demain », a dit James avant d'enfoncer le dernier cookie dans sa bouche, ce qui lui a valu un autre regard de Beau.

« Viens, Riv, je vais te montrer ta chambre », a dit Jackson en se levant de table.

Nous avons marché jusqu'au bout du couloir et lorsque mon frère a ouvert la porte, j'ai été interloquée.

« Ce n'était pas ta chambre ? »

Avant, elle était ennuyeuse, il n’y avait que des gris et des noirs feutrés ici et là.

Je me suis souvenu de ce qui s'était passé il y a deux ans à Noël, lorsqu'il m'avait fait venir en avion. Maintenant, c'était principalement blanc avec différentes nuances de gris éparpillées dans la pièce et quelques accents dorés.

Pour moi.

Il l'a fait pour moi.

« Oui, mais c'est la seule chambre qui a une salle de bain attenante. Je me suis dit que tu en aurais besoin, tu sais... pour tes trucs de fille. »

J'ai mis ma main sur ma bouche pour arrêter mon rire.

« Jackson, tu n'avais pas besoin de céder ta chambre pour moi. Je vis déjà dans ta maison... » Dis-je, mais il m'a interrompu.

« C'est notre maison, River. Elle a toujours été destinée à être la nôtre, c'est pourquoi je l'ai achetée et vécu avec des colocataires jusqu'à ce qu'il soit temps pour toi de venir ici et de vivre avec moi. »

Mon adorable frère.

« Et tu l'as décorée pour moi ? » Je l'ai poussé sur le côté, sachant très bien qu'il n'avait rien fait de tel.

« Nan, la femme d'un de mes potes est venue et m’a aidé. Est-ce que ça te plaît ? Sinon, elle a dit qu'elle t'emmènerait faire du shopping. »

Il s'est frotté l'arrière du cou, sincèrement inquiet que je n'aime pas la pièce.

Je me suis écrasée contre lui et je me suis accrochée comme si ma vie en dépendait. Je n'étais pas du genre à faire des câlins, alors mon frère savait qu'il devait s'en imprégner tant qu'il le pouvait.

Il m'a soulevée facilement et m'a serrée dans ses bras.

« Je ne peux pas respirer, Jack », ai-je lâché.

« Désolé », a-t-il dit en me reposant sur le sol.

« Alors, pas de colocataires maintenant ? » J'ai demandé en passant mes doigts sur un oreiller duveteux sur le lit.

« Non, mais nous nous réunissons beaucoup et les gens restent parfois chez nous. Et Beau reste souvent. »

Je suppose que je le savais déjà.

« Hé, je dois retourner au travail pour un moment. Est-ce que tu seras bien ici toute seule ? »

Être seule était mon état naturel, mon frère.

« Bien sûr, Jackson, je n'ai plus dix ans. J'ai presque dix-huit ans. »

« Je sais... Ne me le rappelle pas », a-t-il dit en passant ses mains sur son visage.

« Beau peut rester avec toi. »

J'ai vu comment cela allait se passer. Si Jackson n'était pas là, Beau le serait.

« Je n'ai pas besoin qu'il reste ici. »

J'ai secoué ma tête.

« River, parfois certains des gars font juste irruption ici. Non pas que quelque chose puisse arriver, mais je veux que tu sois à l'aise ici. »

« Ferme juste les portes à clé. Tu n'as pas à t'inquiéter. »

Il a penché sa tête sur le côté et a soupiré. Toujours aussi inquiet.

« Je serai de retour avant dix heures ce soir. »

Victoire.

Je n'étais là que depuis quelques heures et j'avais déjà envie d'être seule. Être ici avec Jackson était agréable, c'était plus qu'agréable en fait. Mais je ne savais pas trop comment son rôle de frère allait fonctionner.

« Je suis fatiguée, donc je vais probablement juste prendre une douche et aller me coucher. »

Il s'est penché et m'a tirée vers lui pour un autre câlin. Il avait de la chance que je l'aime.

« Je suis tellement content que tu sois là, Riv », a-t-il dit avant de m'embrasser sur le dessus de la tête.

« Moi aussi, et si tu ramènes des beignets à la maison pour que je les mange le matin, je ne serai pas fâchée. »

Il a rigolé.

« C'est d'accord. On se voit demain matin. »

Jackson a refermé ma porte et je suis tombée à la renverse sur mon lit.

Parmi les événements auxquels je m'attendais lorsque j'ai enfin emménagé ici, ce n'était pas l'un d'entre eux, et je ne savais pas comment me sentir.

Prendre les choses pour ce qu'elles valent ou sur analyser les intentions de tout et de tout le monde ?

Prends-le pour ce que ça vaut, River. Qu'est-ce que tu as à perdre ?

Rien.

Pas la moindre chose.

Après ma douche, mon estomac a clairement exprimé son mécontentement à l'égard du cookie que j'avais mangé plus tôt.

Je suis sortie de ma chambre et j'ai traversé le hall.

« Merde ! »

J'ai fait un bond en arrière dès que j'ai passé le coin de la cuisine pour trouver Beau assis à la table en train de boire une bière.

« Ne jure pas. »

Oh mon Dieu.

« Ne jure pas ? Eh bien, ne me fais pas peur. Tu es quoi, un ninja ? Tu es trop silencieux. Je pensais que tu étais parti plus tôt. »

« Je suis toujours là », a-t-il dit avant d'incliner la bouteille vers le haut.

Merci, je n’avais pas deviné.

Tout ce temps, j'ai cru que j'étais seule ici alors qu’il était resté assis au même endroit où je l’avais laissé il y a des heures.

Dieu merci, je n'ai rien fait d'embarrassant.

Attendez, est-ce que c’est le cas ?

J'ai secoué la tête et essayé de me rappeler pourquoi je m'étais aventurée hors de ma chambre en premier lieu et mon estomac a grogné juste au bon moment.

« Tu as faim ? »

Beau m'a surprise en demandant cela.

« Oui, je viens juste chercher de la nourriture. »

Je me suis dirigée vers le garde-manger et j'ai sorti le pot de beurre de cacahuètes.

« C'est loin d'être un repas », a-t-il soufflé.

Bon sang, il était critique.

J'ai ouvert trois tiroirs avant d'en trouver un qui avait des cuillères.

Après avoir trouvé ce que j'étais venue chercher, j'ai commencé à rebrousser chemin dans le couloir vers ma chambre, mais j'ai été arrêtée par la sonnette de la porte. Beau m'a frôlée et a ouvert la porte en fouillant dans sa poche arrière pour trouver son portefeuille.

Quelques secondes plus tard, il était de retour dans la cuisine avec deux boîtes de pizza.

« Je ne savais pas ce que tu aimais », a-t-il dit en se grattant la tête.

J'ai ouvert les boîtes pour trouver une pizza au fromage et une autre qui semblait avoir toutes les garnitures possible dessus.

« Celle au fromage me va très bien. »

J'ai souri malgré moi. Il y avait quelque chose d'infiniment intéressant chez lui.

« Quel âge as-tu ? » A-t-il demandé après avoir mangé quatre tranches de pizza.

Il en a pris une autre dans la boîte et j'ai conclu que je n'avais jamais vu quelqu'un capable de manger comme Beau.

« Presque dix-huit ans. » Je me suis raclé la gorge avant de continuer. « J'aurai dix-huit ans le mois prochain. »

Je ne savais pas pourquoi je l'avais dit comme ça. Mais pour une raison quelconque, dix-huit ans ça faisait tellement plus vieux dans ma tête.

« Si tu as presque dix-huit ans, tu ne devrais pas être en terminale ? »

J'ai baissé les yeux sur l'assiette en carton qui contenait ma pizza avant de lui répondre.

« J'ai dû redoubler le CP. C'était l'année où ma mère est morte et j'ai manqué la majorité de l'année. »

C'était la toute dernière chose dont je voulais parler. Alors je me suis arrêtée là.

« Quel âge as-tu ? » J'ai demandé.

« Vingt-quatre ans. »

Même âge que mon frère. Même travail que mon frère. Semblait être tout aussi protecteur que mon frère.

Pourtant infiniment plus difficile à comprendre.

Mon frère était simple. Ce que vous voyiez était ce que vous obteniez avec lui.

Mais Beau était quelqu’un de très différent.