Partager Delilah

Nous sommes arrivés à ce qui semblait être un atelier de réparation automobile au milieu de nulle part, sur le bord d'une bande de route.

J'avais vu un panneau indiquant Cascadia quelques kilomètres plus loin, mais je pensais que la meute se trouvait à la périphérie de la région d'Albany-Lebanon, qui était plus peuplée.

En fait, elle semblait juste être au milieu d'une forêt, avec une maison ou un magasin par-ci, par-là.

Je n'avais pas dit un mot pendant tout le trajet de deux heures et demie, dont une demi-heure pour sortir de Portland à l'heure de pointe.

Cela avait rendu ma partenaire, dont j'ai découvert le nom, Jewel, très nerveuse. Elle avait essayé de faire la conversation au début, mais après un certain temps, elle avait abandonné.

Je ne voulais pas apprendre à la connaître, ni elle ni personne de la meute ; je voulais faire mon travail et me perdre dans la forêt.

Quelque chose dans cet endroit était si vert et mystérieux qu'il captivait mon regard pendant que nous roulions.

Il m'interpelait d'une façon que le Nouveau-Mexique n'avait jamais fait, ce qui était étrange.

Mais ma priorité n'était pas de me faire des amis ou de rester ici. J'ai dû me secouer mentalement à plusieurs reprises pour me rappeler qu'il s'agissait d'un travail.

Et qu’ensuite, je partirais et ne regarderais jamais en arrière.

J'avais visité l'Utah, la Californie, certaines parties de Seattle et une partie de l'est de l'Oregon, mais je n'avais jamais vraiment vu cette région.

C'était comme si les bois essayaient de toucher tout ce qui se trouvait à proximité et c'était... séduisant.

La nature était si proche des humains, peu importe à quel point ils essayaient de la repousser. Certaines zones semblaient correspondre à cela.

Je pouvais sentir la terre vibrer dans mes os et respirer dans mon âme.

Même en sortant du véhicule, avec mes pieds qui crissaient sur le gravier meuble, je pouvais voir les mauvaises herbes et les fleurs qui essayaient de sortir de sous le terrain difficile ; une beauté imparable et envoûtante.

Malheureusement, lorsque vous vous retrouvez dans un endroit inconnu entouré de bois, vous pouvez parfois vous sentir très désorienté.

Il fallait être prudent. C'était quelque chose que je gardais en tête pour plus tard, lorsque je devrais les traverser.

J'ai gardé le visage impassible tandis que je sortais du véhicule, Jewel se dirigeant déjà vers la porte.

"Seth !" a-t-elle crié, ses doigts se tortillant près de son nombril. Elle m'a jeté un regard nerveux avant de reporter son attention sur la porte.

Je suis restée près de la voiture, ne faisant aucun mouvement pour avancer tandis que je regardais le paysage autour de moi.

Des arbres verts, à la fois des pins et des feuillus, se balançaient dans la brise. Les oiseaux chantaient à proximité et tout était très... apaisant.

Ce calme a été perturbé lorsque la porte métallique grillagée s'est ouverte en claquant, faisant sursauter Jewel, qui a immédiatement baissé la tête.

Ma tête s’est tournée dans la direction de la porte quand un homme maigre et fort, vêtu d'un tee-shirt blanc taché de graisse en est sorti, essuyant ses mains noires sur ce que j'ai supposé être un simple chiffon rouge qui était maintenant couvert d'une sombre crasse.

« Quelle partie de "Amène-la à la maison de la meute" n'as-tu pas comprise ? » a-t-il grogné, faisant reculer Jewel.

Sa voix a résonné dans le parking. Et mes yeux se sont rétrécis.

Il n'était pas menaçant. Agacé, certes, mais pas comme s'il allait frapper une femme comme certains autres alphas pourraient le faire.

Non, sa domination dégoulinait de lui, elle suintait de ses pores.

C'était suffisant pour faire fuir de terreur un humain normal qu’il aurait défié.

Il gardait cette même présence dominante dans chacun de ses mouvements sans en faire étalage.

Espérons que son ego n’égale pas cette disposition naturelle.

Cette pensée m'est venue à l'esprit, et avec, une petite grimace sur mon visage.

J'en doutais fort, vu que lui et son frère perturbaient déjà le marché qu'ils avaient conclu avec nous.

Son regard s'est dirigé vers moi, ses narines se sont dilatées. Les loups n'aimaient pas trop notre odeur, et un alpha ?

J’étais sûre qu'il avait un odorat meilleur que celui d’un loup moyen, donc il savait que j'étais là avant même que la porte ne s'ouvre en claquant.

"Tu es Delilah ?" a-t-il demandé d'un air méfiant, me regardant de haut en bas et en sortant lentement de l'embrasure de la porte vers moi.

Jewel est restée près de la porte de la boutique, la tête toujours inclinée.

J'ai laissé échapper un souffle, en essayant de ne pas jurer ou de ne pas lever les yeux au ciel. J'étais certaine qu'il pouvait voir que j'étais embarrassée par mon langage corporel ainsi que par mon ton.

"Oui, et l'accord stipule que je rencontre votre bêta, puis que je te rencontre avec Cole, l'autre..."

"Mon frère est indisponible pour le moment, tout comme moi", a déclaré Seth en me coupant la parole et en descendant d'une marche pour se tenir devant moi.

Ses yeux ont tenté de percer les miens. Un geste de domination, pour me remettre à ma place.

Je ne l'ai pas regardé directement, me concentrant sur les bois.

Je connaissais cette ruse. Seth avait bien un ego fort.

Il essayait de me faire reculer, malgré l'accord passé avec notre coven, et cela me rendait furieuse.

Je me suis demandée qui avait négocié l'accord avec le coven. Seth ne semblait pas être du genre à demander de l'aide.

Mais de toute façon, aucun alpha ne l'a jamais fait, sauf si c'était pour le bien de la meute.

C'est pour cela qu'ils ont refusé notre aide pendant si longtemps, mais la plupart des surnaturels essayaient de garder le secret pendant très longtemps, par souci de discrétion.

Qu'est-ce qui les a poussés à nous chercher s'il ne voulait clairement pas d'aide ?

Non, n'y pense pas, Dee.

Les affaires, et c’est tout.

Je me suis mentalement réprimandée alors que je retrouvais ma voix. Ma voix était cassante et tranchante.

"Alors peut-être que notre contrat est nul et non avenu. Je vais retourner au Nouveau Mexique et une autre sorcière pourra s'occuper de votre problème."

Mon ton était désinvolte, et même maintenant, j'évitais le contact visuel direct même si je sentais ses yeux me transpercer.

« Ça ne me dérange pas, c’est mon frère qui t’a faite venir, toi la sorcière. J'ai seulement accepté parce que nous avons besoin d'une luna pour que l'un d'entre nous prenne la relève de la meute."

Cela m'a fait lever les yeux vers les siens. "Mais je pensais que vous deux..."

Les mots sont morts sur mes lèvres.

Ses yeux étaient mouchetés d'or, ses cheveux d'un brun profond comme le bois d'un pin. Il ne sentait pas comme un chien mouillé.

Au lieu de cela, il sentait...

"Oui, nous voulons que ce soit fait en même temps, pour que ce soit juste", a-t-il dit avec un sourire. Ses yeux ont plongé dans les miens, et son ton était maintenant légèrement amusé. "D'autres questions ?"

Il n'avait pas vraiment voulu rompre le contrat, ce salaud avait juste voulu me regarder dans les yeux pendant tout ce temps.

Même lui savait que les yeux pouvaient être une fenêtre sur l'âme.

Et tout ce qu'il avait vu dans les miens, il avait aimé.

J'avais envie de lui mettre un coup de genou dans l'aine tandis que je serrais les dents, le regard inébranlable.

"Pas de questions", ai-je dit en plissant les yeux. Je n'allais pas baisser mon regard ou me recroqueviller, peu importe à quel point ma vessie me suppliait de lui demander des toilettes en ce moment.

« Va chercher ton frère. Je vous rencontre tous les deux immédiatement, ou je pars." Ma voix était dure et ferme.

La mâchoire de Seth s'est contractée un instant, mais malgré la sueur qui perlait sur mon front, je ne reculais pas.

Après un moment, il a haussé les épaules, son regard quittant le mien. "Très bien. Je vais l'appeler. Si tu as besoin de toilettes, il y en a à l’intérieur. Tu devras demander à Jewel de te conduire si tu veux bouffer quelque chose."