
Il faut vraiment que je fasse réviser ma voiture, mais entre la fin de mes études et ma recherche d'emploi, je n'ai eu ni le temps ni l'argent.
Je coupe le contact, croise les doigts et retente ma chance. Cette fois-ci, je tourne la clé délicatement tout en appuyant plusieurs fois sur l'accélérateur. Le moteur démarre enfin. Quel soulagement !
Dieu merci. Je n'ai vraiment pas besoin de problèmes de voiture pour mon premier jour.
J'imagine déjà la scène : appeler mon nouveau patron fortuné pour lui dire que je serai en retard à cause de ma vieille guimbarde capricieuse. Ça ne ferait vraiment pas bonne impression.
Ma voiture ronronne comme si de rien n'était. Je recule rapidement avant qu'elle ne me joue un autre tour.
Zut, j'ai oublié d'entrer l'adresse. Je ne suis jamais allée au bureau. Avec le COVID, l'entretien s'est fait par téléphone.
La femme à qui j'ai parlé semblait vraiment avoir besoin de personnel.
Je m'arrête sur le bas-côté et cherche l'adresse de l'entreprise sur mon téléphone.
Ma voiture n'a pas de GPS. J'utilise mon portable. Je sais que ce n'est pas très prudent, mais je n'ai pas le choix pour le moment. J'espère apprendre vite le chemin.
Une fois l'itinéraire affiché, je reprends la route.
Je respire un bon coup et me répète que tout ira bien. Inutile de stresser.
Quelques minutes plus tard, me voilà en ville. La circulation est dense.
Ça sent mauvais.
Les voitures sont à l'arrêt à perte de vue. On pourrait croire à un accident, mais non.
C'est juste la ville.
C'est très différent du Texas. Les routes où l'on pouvait filer comme le vent me manquent. Ici, c'est toujours bouché.
L'horloge de ma voiture indique 6 h 45. Je commence à paniquer.
Oui, je stresse facilement. Ma vie n'est pas un long fleuve tranquille. J'ai la nuque tendue. J'essaie de respirer calmement et me répète que tout ira bien. J'arriverai à l'heure.
Coincée dans les bouchons, je repense à ma famille et mes amis que j'ai laissés derrière moi.
Ces dernières années, j'étais un peu seule. À la fac, les citadins ont vite compris que je venais de la campagne et m'ont mise de côté.
Ma mère m'a conseillé de rejoindre une sororité. J'ai essayé, mais ça n'a pas marché. Vous savez ce qu'elles m'ont fait faire ?
Elles avaient une liste de défis à relever pendant les deux premières semaines de « bizutage ».
C'était n'importe quoi. Il fallait embrasser un prof, un prof ! Ils avaient tous au moins quarante ans de plus que moi !
Un autre défi était de se balader dans l'école comme si on venait de faire des galipettes. Maquillage défait, fringues et cheveux en bataille.
Je l'ai fait. Ce n'était pas si terrible. Les étudiants riaient et prenaient des photos, mais j'ai survécu. J'ai même embrassé un prof.
J'ai choisi le plus jeune, un assistant de 35 ans. Elles ont dit que ça comptait.
J'ai relevé tous les défis. Je n'aimais pas ça, mais je voulais m'intégrer. Ça n'a pas suffi.
Elles ne prenaient que trois nouvelles cette année-là. Elles nous ont fait monter nues sur une table pendant qu'elles dessinaient des cercles sur nos corps au marqueur noir.
Elles se moquaient de nous, pointant du doigt chaque imperfection.
Le pire, c'est quand elles ont voulu nous faire porter des sous-vêtements minuscules et poster des photos de nous en ligne !
Elles voulaient exposer nos défauts à tout le monde. À l'époque, j'avais quelques kilos en trop, alors j'étais couverte de cercles.
Je n'ai pas pu le faire.
Certaines filles pleuraient. J'ai pensé à ce que mon père ressentirait s'il savait ce que je faisais. J'ai refusé et elles m'ont dit que je n'étais pas à la hauteur.
Et bien, qu'elles aillent se faire voir. Je n'allais pas les laisser m'humilier devant toute l'école.
Enfin, après une éternité, les voitures commencent à avancer. Dieu merci. Il ne me reste que dix minutes pour arriver au travail, je vais être en retard.
Plus de dix minutes plus tard, je trouve le parking et me gare tout en bas. Maintenant, je dois trouver l'ascenseur pour sortir.
Mon premier jour pourrait-il être pire ?
Qu'est-ce qui pourrait encore mal tourner ?