Rencontre à l'Autel

DÉBUT AOÛT

« Attention ! » J'entendis un grand cri derrière moi au moment précis où quelque chose me frappa dans le dos, puis un juron étouffé retentit, suivi d’un bruit de chaussures de tennis contre le béton.

« Tu vas bien ? » L’homme sur le banc referma son livre et le laissa tomber sur le bois usé par les intempéries avant de se diriger vers moi.

Il jeta un coup d'œil à la personne derrière moi, avant de reporter son regard sur le mien.

Un ballon de foot traversa mon champ de vision avant de s'arrêter à quelques mètres de là, un blond à la barbe naissante se pencha pour le ramasser, puis une main se referma sur mon épaule.

« Je suis vraiment désolé. Merde. Ça va ? » Je regardai par-dessus mon épaule, et vis un torse solide et moite, parsemé de poils auburn qui descendaient vers un short d'athlétisme.

« Tu essayais d'attirer l'attention de la fille la plus sexy de notre groupe ? », s'esclaffa le blond en s'avançant vers nous.

« Quoi ? Non. Putain... », jura celui qui était torse nu, avant de prendre une profonde inspiration. Il s'accroupit légèrement pour pouvoir me regarder dans les yeux. Il était grand. Très, très grand.

« Je ne t'ai pas fait de mal, n'est-ce pas ? »

« Non. Euh, j’ai juste eu peur. Je vais bien », l’assurai-je.

Il soupira et me sourit. Une fossette se forma sur sa joue.

Je dois admettre que j’avais le souffle coupé, mais cela n’avait rien à voir avec le ballon de foot. Il avait des cheveux brun auburn coupés court, avec un petit épi sur le devant.

Ses yeux d'un bleu profond étaient encadrés de cils foncés, qui soulignaient la forme en amande de ses yeux. Son visage, son cou et sa poitrine étaient couverts de taches de rousseur, qui parsemaient sa peau pâle et lisse.

« Cory, remets ton t-shirt et arrête de faire l'imbécile », lui dit le plus âgé en levant les yeux au ciel.

« Oui, Cory. Personne n’a envie d’être aveuglé par ta peau de vampire », dit le petit blond en ricanant.

« Va te faire foutre, Jon. Tu es juste jaloux », rétorqua le dénommé Cory en faisant un doigt d'honneur à son ami.

« De quoi ? De ton incapacité à tirer un coup franc ? » pouffa Jon en souriant.

« Les gars. Arrêtez vos conneries et allez jouer ailleurs », soupira le garçon plus âgé, l'air agacé.

Ils reculèrent tous les deux et commencèrent à se chamailler de plus belle. Le plus grand, Cory, sortit un t-shirt de la ceinture de son short de sport foncé et le tendit à son ami.

« Tu es sûre que ça va ? » Je me retournai vers le garçon plus âgé, secouai la tête et me concentrai sur son visage.

« Oui, désolée. C'était... »

« Deux idiots immatures, à la hauteur de leur réputation ? » Il soupira bruyamment.

Je ne pus retenir un rire nerveux tandis qu'il me souriait.

Il n'était pas aussi beau que les deux autres, mais il avait un côté « garçon d’à côté » très charmant, avec ses lunettes et ses cheveux en désordre.

« Tu fais partie de mon groupe ? » demanda-t-il avec curiosité.

« C’est toi le gars qui s’appelle comme le chou ? »

Merde. Oh, mon Dieu. J’avais vraiment dit ça à voix haute ?

« Oh, je l'ai déjà entendue, celle-là. » Il acquiesça. « S'il te plaît, ne fais pas de blagues sur le fait de me prendre dans ta bouche ou que je suis plein de vitamines. C'est un peu trop. »

J’écarquillai les yeux et mes joues s'empourprèrent.

« Désolé, c'était très tendancieux comme blague », s'excusa rapidement Cale.

« Euh... » Les mots me manquaient.

« Alors, comment t’appelles-tu ? Je suppose que c'est Krista ou Kim. »

« Heu…tu commences à me faire flipper ». Je fronçai les sourcils. « Est-ce qu'ils ont envoyé des photos de nous ou quelque chose comme ça ? »

« Non. » Il secoua la tête avec un sourire amusé. « Il n’y a que deux filles dont les noms commencent par K, et j'ai remarqué ton collier. »

Je baissai les yeux sur le pendentif en forme de K qui se trouvait juste au-dessus de l'encolure de mon débardeur. « Joli sens de l'observation ».

« Déformation professionnelle ». Il haussa les épaules. « J'étudie la psychologie. Je suis censé pouvoir lire les gens. »

« C'est noté », lui dis-je en hochant la tête.

« Alors... »

« Oui ? » demandai-je alors qu'il me regardait avec impatience.

« Lequel ? » demanda-t-il.

Un cri retentit, attirant mon attention sur les deux garçons qui s'affrontaient avec le ballon de foot.

« Quoi ? Euh. Je dirais le plus grand. »

Il rit et se retourna vers moi. « Ton prénom. Lequel est-ce ? Krista ou Kim ? »

« Oh, c'est ça que tu me demandais... », réalisai-je, gênée. J'étais à côté de la plaque aujourd'hui. « Krista. Je suis Krista Greene. »

« Enchanté de te rencontrer ». Il sourit. « Je suis Cale Roberts. Conseiller résident dans la tour des hommes, au cinquième étage. Je suis étudiant en psychologie. »

« Moi, je suis en première année, de toute évidence ». Je lui rendis son sourire nerveusement. « Tour des femmes, au quatrième étage. Étudiante en beaux-arts. »

« Nous attendons encore quelques personnes. Tu peux donc rester ici jusqu'à ce que nous soyons prêts à faire notre premier exercice d'équipe. »

Je jetai un coup d'œil autour de moi et remarquai un petit groupe de filles assises contre un arbre, et les deux gars sur le terrain, qui étaient encore en train de taper dans le ballon de foot.

« À ta place, je ne m'approcherais pas de ces deux-là. Ils vont être difficiles à gérer. » Il fit un signe de tête vers les garçons, et je vis le plus grand tirer le t-shirt du blond sur son visage et lui donner une claque sur le ventre.

« On dirait bien » acquiesçai-je.

« Tu peux t’asseoir avec moi sur le banc si tu le souhaites », proposa-t-il. « Je te promets que je ne te mordrai pas ».

« Euh... » Je jetai un coup d'œil aux trois filles qui chuchotaient entre elles.

L'une d'entre elles me regarda et haussa les épaules avant de se retourner vers les deux autres. Il semblait que cette clique ne cherchait pas de nouveaux membres. « « Oui, merci. »

Il retourna vers le banc et s'assit à une extrémité, tandis que je tirais maladroitement sur mon short et m'asseyais à l'autre extrémité.

« Cale récupéra son livre oublié et l'ouvrit, et me regarda du coin de l'œil avant de reprendre sa lecture.

Me sentant plus qu'embarrassée, je sortis mon téléphone et commençai à faire défiler mes textos, en voyant un de ma nouvelle colocataire et un autre de Davis.

Allison me renvoya une série d'emojis, dont du feu, un chou et plusieurs visages rieurs.

Je le regardai du coin de l'œil.

Le texto de Davis était un GIF d'un singe sur un skateboard. Il devait s'ennuyer.

Je lançai un jeu et passai quelques niveaux avant de remarquer que d'autres personnes nous avaient rejoints et que Cale n’était plus de l'autre côté du banc.

« Très bien, groupe 3. Il est temps de se mettre par deux et d'apprendre à se connaître. Choisissez quelqu'un que vous ne connaissez pas encore et prenez une feuille de questions auxquelles vous devrez répondre », annonça Cale.

Tous les membres du groupe commencèrent à se dévisager, gênés, et je me sentis rougir lorsque Cory me fit un clin d'œil. Il fit deux pas vers moi avant que je ne sente quelqu’un me donner un léger coup de coude.

« Tu as besoin d'un partenaire ? » Je regardai le gars à côté de moi. Il était plus grand que moi, probablement autour d'un mètre quatre-vingt-dix. Il avait des cheveux roux vif courts, soigneusement peignés, et une peau claire.

« Bien sûr, je suis Krista » acquiesçai-je. Je me retournai vers le groupe, et vis une petite blonde avec un short encore plus court que le mien, qui riait de Cory, sa main posée sur son torse.

Il croisa mon regard par-dessus sa tête et haussa les épaules avant de reporter son attention sur elle.

« Trevor ». Mon nouveau partenaire se présenta en me tendant la main. « J’étudie la biologie. Et toi ? »

« Les beaux-arts. » Je souris en serrant sa main chaude et en regardant ses yeux noisette. Il avait de longs et jolis cils. Pourquoi les garçons avaient-ils toujours des cils fantastiques ?

« Sympa ». Il sourit en hochant la tête. « Je ne sais même pas tracer une ligne droite. »

« Je vais te confier un petit secret », lui dis-je en me penchant vers lui et en baissant la voix.

Il me lança un sourire complice.

« Moi non plus ».

Son sourire s'élargit, révélant des dents d'une blancheur éclatante, puis il regarda très sérieusement notre liste. « ’Raison pour laquelle vous êtes ici’...

Euh, mes parents m'y ont forcé ». Il haussa les épaules. « Techniquement, j'ai déjà assez de crédits pour terminer mon premier semestre, mais ils ont dit que je devais essayer de profiter de mon expérience universitaire. »

« C'est assez raisonnable. Je voulais juste m'installer tôt et peut-être me faire des amis. Ma colocataire y allait aussi, alors... »

Moi aussi, je détestais répondre à toutes ces questions foireuses, mais je suppose que c'était pour cela que nous étions là.

« ’Quelle est la partie de l'expérience universitaire que vous attendez avec impatience ?’ Tu veux commencer par cette question ? »

Un cri provenant de l'autre côté du terrain attira notre attention, et nous vîmes les deux garçons de tout à l'heure, des filles hilares accrochées à leur dos, courir à travers le terrain.

« On dirait que quelqu'un d'autre a décidé que ces questions étaient nulles », dit-il en riant tandis que nous admirions le spectacle.

« C'est un peu ça », dis-je en haussant les épaules. Je comprenais la nécessité de faire des activités pour apprendre à se connaître, mais c'était quand même nul.

« D'accord. Parlons franchement. Ce semestre, je n'ai que des cours facultatifs. Mon père pensait que de cette façon, j'aurais moins de chances de me planter pendant que je m'habituerais à l'université », dit-il à voix basse.

Il se pencha dans ma direction. « Il fait aussi pression sur moi pour que je rejoigne son ancienne fraternité, histoire de perpétuer la tradition familiale. »

« Je ne sais même pas ce que je vais faire après avoir obtenu mon diplôme. Mon père m'a dit que mon parcours universitaire était une blague ».

« Je parie que certains des membres de ce groupe n'arriveront même pas jusqu’à la remise des diplômes... » Il fit un signe de tête vers le grand type qui essayait de faire du développé-couché avec sa partenaire. Finalement, j’étais contente de ne pas être avec lui.

Nous discutâmes encore quelques minutes des cours auxquels nous étions inscrits. Étonnamment, nous partagions un cours d'introduction à l'histoire de l'art.

Trevor avait l'air sympa. Même s'il était un peu trop sérieux, il était facile de lui parler.

« Très bien, les gars », dit Cale en se plaçant devant le groupe. « Allons-y, commençons à nous diriger vers le Hall de la Musique.

Une présentation est prévue pour lancer la semaine à l'intention de tous les étudiants présents. »

Trevor se leva et me tendit la main, pour m'aider à me relever. Sa main était chaude, et je me surpris à étudier son visage lorsque ses doigts s'attardèrent sur les miens après que je me sois redressée.

« Merci. »

« Pas de problème », répondit-il en mettant ses mains dans ses poches et en s'attardant à côté de moi tandis que le groupe commençait à suivre Cale.

Notre groupe fut divisé en deux rangées une fois à l'intérieur, mais étant donné l'angle des sièges, j'avais du mal à voir la scène à cause de la tête du garçon très grand qui se trouvait juste devant moi.

« Tu veux changer de place ? » chuchota Trevor en se penchant vers moi.

Je regardais se poursuivre l'étrange rituel de séduction qui avait commencé sur le terrain. La petite blonde chuchotait à son oreille tandis qu'il passait son bras le long du dossier de sa chaise.

« Non, ça va. Je suis sûre que ça ne m’empêchera pas de suivre. » dis-je en secouant la tête.

« Sérieusement, ça ne m’embête pas », insista-t-il.

« C'est bon, Trevor ».

« Oui, Trevor. C'est bon », dit Cory d'une voix moqueuse. « Peut-être qu'elle aime regarder l'arrière de ma tête ». Il s'était retourné sur son siège et m'avait surprise en train de le fixer, arquant un sourcil dans ma direction.

« Eh bien, elle est assez grosse », répondis-je d'une voix sarcastique. « Elle est difficile à rater. »

« On dirait que tu parles d'autres parties de mon anatomie ». Ce crétin arrogant eut le culot de me faire un clin d'œil.

« Euh, non... » Je rougis quand la fille à côté de lui gloussa et le tira vers elle.

« C'est une vraie tête de cul », grogna Trevor à mes côtés d'une voix dégoûtée.

« Trevor, elle n'a pas besoin de savoir que tu as regardé mon cul. » Cory nous lança un sourire radieux avant de se retourner et de se tasser sur son siège.

« Ignore-le », murmura Trevor en s'affaissant un peu dans son siège. « Les types comme lui ne font que dire des conneries ».

Les lumières s’éteignirent et j'essayai de me concentrer sur la scène pour regarder la présentation sur le grand écran.

Il s'agissait de la vidéo typique « voici ce que notre école a à offrir » qui ornait les sites web de toutes les universités auxquelles j'avais postulé.

Je me demandai ce que cette semaine nous réservait à tous. Jusqu'à présent, elle n'avait pas été aussi mauvaise que je le pensais.

Dieu merci, ma colocataire s’était avérée aussi cool en personne qu'elle l'avait été dans les courriels et les textos que nous nous étions envoyés.

Je n'avais pas l'impression que j’allais me faire beaucoup d'amies dans mon groupe. Elles semblaient toutes rattachées à la petite blonde qui me lançait des regards salaces au bras du beau gosse stéréotypé.

De toute façon, je n'avais pas besoin d'amies comme celles-là et je n'en voulais pas.