Jusqu'à l'Aube

L'impulsivité pouvait être dangereuse. Cela signifiait ne pas réfléchir clairement et se faire avoir. Ma sœur jumelle m'avait convaincue de prendre sa place auprès de l'homme qu'elle devait épouser.

C'était loin d'être une mince affaire.

J'étais maintenant dans une grosse voiture noire aux vitres teintées, en route vers la demeure des Blackwood.

On a aperçu la maison au détour d'une rue. Elle était immense, occupant tout le pâté de maisons. Les murs étaient hauts, offrant de l'intimité.

En approchant des grilles, j'ai serré mon livre contre moi.

Tout à coup, j'ai eu du mal à respirer. Même dans ma robe blanche confortable, j'avais chaud et je me sentais prise au piège.

J'ai senti la panique monter et ma respiration s'est emballée.

J'ai répété ces mots dans ma tête jusqu'à ce que ma respiration redevienne normale.

Je pouvais y arriver.

Pas besoin d'avoir peur. Ce n'était pas pour de vrai.

Dominic Blackwood n'était pas vraiment mon compagnon.

J'étais juste là pour remplacer Violet pendant un petit moment.

Elle reviendrait dans quelques mois pour m'aider.

Personne n'en saurait rien.

On a vu la grande maison en remontant l'allée sinueuse.

À l'entrée, plusieurs employés m'attendaient. L'un d'eux s'est précipité pour m'ouvrir la porte.

Il s'est incliné et a dit : « Bon après-midi, Luna. »

Au début, je n'ai pas tilté qu'il s'adressait à moi. Quand je m'en suis souvenue, je me suis tournée vers lui, serrant mon livre contre moi.

« Bon après-midi », ai-je dit doucement, mais il m'a entendue.

Je suis passée devant lui et j'ai vu un autre homme descendre les marches avec le sourire.

Il était grand avec des cheveux bruns bouclés. Il avait des fossettes quand il souriait.

« Luna, je suis ravi de vous voir ici, a-t-il dit d'un ton joyeux. Je sais que c'est peut-être un peu tôt pour vous. Je sais qu'il vous reste encore quelques années avant la cérémonie—

— Ça va », ai-je dit d'une voix rauque. J'ai éclairci ma gorge et l'ai répété.

Il a souri chaleureusement et s'est incliné.

« Je m'appelle Peyton, je suis le Bêta de la meute Blackwood. Merci d'avoir accepté nos demandes spéciales. »

Il s'est redressé, toujours souriant, et m'a invitée à passer devant lui. J'ai fait un pas, et il m'a suivie de près.

À l'intérieur de la maison, j'ai été émerveillée par sa beauté.

Les plafonds étaient hauts avec de jolis lustres en verre. Il y avait de magnifiques tableaux aux murs et des fleurs partout. Deux escaliers courbes menaient au premier étage.

« Cette maison compte vingt employés pour s'occuper du chef et de son épouse. Le reste de la meute vit autour de cette maison. Ma demeure est juste à côté », a expliqué Peyton.

Il m'a conduite dans un salon, où je me suis assise sur un canapé luxueux. Il a demandé à un employé d'apporter du thé et s'est assis en face de moi.

« Les gardes de la meute se relaient pour protéger la maison du chef. Vous serez toujours en sécurité. »

Il s'est tourné et a montré du doigt les gardes qui patrouillaient le long des murs.

Il s'est retourné vers moi. Il ne souriait plus et semblait triste.

« J'ai ajouté plus de gardes après l'attaque dans notre région et ce qui est arrivé à notre chef. Je voulais m'assurer qu'il serait en sécurité. »

Peyton a fait une pause, pensif. « Le chef a été un patient difficile », a-t-il dit.

« C'est pour ça qu'on a besoin de vous. Il a renvoyé toutes les infirmières qu'on a amenées pour s'occuper de lui. Il est très en colère et méchant. »

J'ai hoché la tête, comprenant. Je n'étais pas emballée à l'idée de rencontrer Dominic, mais j'ai essayé de rassurer Peyton. « Je ferai de mon mieux », ai-je promis.

Il a souri à nouveau. « Merci, Luna. Je sais qu'il sera dur avec vous, mais ne prenez pas personnellement ce qu'il dit. Il est encore chamboulé d'avoir perdu la vue. »

« Vous lui avez dit que je venais ? » ai-je demandé.

Peyton a acquiescé.

J'ai regardé nerveusement le haut des escaliers. Je ne savais pas si ça allait marcher, mais j'étais déterminée à aider le chef, même s'il ne voulait pas de moi ici.

J'étais, après tout, la sœur de sa future épouse.

J'avais un mauvais pressentiment. J'avais l'impression que ça allait causer des problèmes. J'aurais pas dû laisser Violet me convaincre de venir.

On a entendu un fracas et un bruit fort venant de l'étage, et Peyton a fait la grimace quand une voix forte et autoritaire a retenti dans toute la maison.

« Peyton ! »

Peyton a soupiré et s'est frotté la tête. Il avait l'air crevé. Ses yeux étaient cernés et ses épaules affaissées.

« Je vais aller le voir », ai-je dit, et Peyton a relevé la tête brusquement.

« Je suis pas sûr que ce soit le bon moment. »

« Vous m'avez dit de pas prendre personnellement ce qu'il dit. Si c'est comme ça qu'il se comporte tous les jours, demain ce sera pareil », ai-je dit.

Peyton a semblé hésiter mais a fini par acquiescer.

Je suis montée à l'étage, suivant les bruits de fracas et de coups qui devenaient plus forts à mesure que j'approchais.

J'ai suivi le bruit jusqu'à ce que j'arrive à la porte d'où venaient tous les cris.

« Peyton ! » a de nouveau crié Dominic. « Monte ici tout de suite ! »

J'ai hésité entre frapper ou simplement ouvrir la porte. J'ai décidé de pas frapper au cas où il me balancerait un truc, mais avant que je puisse faire quoi que ce soit, la porte s'est brusquement ouverte.

L'Alpha Blackwood en colère se tenait devant moi.

Il a reniflé.

« Vous êtes qui ? » a-t-il dit méchamment. « Vous sentez pas comme quelqu'un de la meute. »

« V-violet », ai-je dit nerveusement.

C'était un homme très séduisant. Ses yeux bleus étaient pleins de colère. Ils ressemblaient à une mer déchaînée et me faisaient frissonner. Ses cheveux bruns bouclés tombaient sur son front.

Je pouvais presque goûter son odeur masculine agréable. C'était pas sophistiqué - ça sentait naturel, comme une balade en forêt ou la pluie du matin.

La petite bosse sur son nez montrait qu'il l'avait déjà cassé. Une cicatrice sur sa lèvre indiquait qu'il se l'était ouverte plusieurs fois.

Puis quelque chose s'est passé que j'avais pas prévu...

Mon cœur s'est mis à battre plus vite.

Mon estomac s'est noué d'excitation.

« Violet ? » Son visage a pris une expression confuse alors qu'il essayait de se souvenir du nom.

Quand il s'en est rappelé, son beau visage a changé. Il avait l'air furax, et la cicatrice sur sa lèvre est devenue blanche tant il serrait les lèvres.

« Sortez ! » a-t-il crié.

Il a fait un grand pas en avant, et j'ai trébuché en arrière, effrayée par ses yeux furieux et son pouvoir qui me donnait envie d'obéir.

J'ai pris une grande inspiration et expiré. J'ai réussi à dire doucement : « Non. »

Ses yeux sont devenus encore plus furieux à ma réponse. « Alors je vous ferai jeter dehors ! Quiconque désobéit mourra de mes mains. »

« Je partirai pas. Si vous voulez tuer quelqu'un, vous pouvez me tuer. »

Ses yeux ont légèrement changé de couleur, et pendant un instant, j'ai vu les émotions qu'il essayait de cacher. J'ai vu la douleur et la honte dans ces yeux en colère.

Je me suis redressée et j'ai rassemblé tout le courage qu'il me restait avant de parler à nouveau.

« Je vais nulle part, Dominic. Je suis votre compagnon, et je serai là pour vous. »