Comment (ne pas) sortir avec le meilleur ami de votre frère

SAMANTHA

« Samantha espérait que les dieux de la mécanique seraient de son côté alors qu'elle tentait de démarrer sa vieille guimbarde. Le moteur toussotait mais ne voulait pas s'allumer. Frustrée, elle cogna sa tête contre le volant.

Elle était coincée devant l'épicerie fermée après avoir terminé son service tard. Le dernier client avait été particulièrement bavard. Maintenant, elle se retrouvait seule dans le parking sombre, ne sachant que faire.

Pouvait-elle se permettre un taxi ? Était-ce prudent de laisser sa voiture ici ?

Peut-être pourrait-elle appeler un ami à la rescousse...

Mais sa meilleure amie était Ellie. Et Ellie devait être loin maintenant.

Ellie était partie voir sa mère malade - c'est pour ça que Sam avait pris son quart de travail. Sam ne pouvait pas lui en vouloir. Ellie était la première colocataire à ne pas l'avoir mise à la porte.

Ce n'était donc pas la faute d'Ellie.

Mais quand même...

Ellie répondit du tac au tac.

Changer de vie signifiait que Sam s'était fait de nouveaux amis, comme Ellie. Bien qu'Ellie soit petite avec une frange blonde, elle avait un sacré caractère.

En gros, Ellie lui disait qu'elle était dans de beaux draps.

Sam soupira et retira les clés du contact. Elle sortit, verrouilla la portière et s'adossa contre la carrosserie. Elle fouilla dans son sac à main en cuir noir à la recherche de son téléphone.

Un bruit attira son attention. Elle leva les yeux et aperçut une enseigne rouge vif : KB Mechanics. La chance lui souriait-elle enfin ?

Non, ce devait être fermé à cette heure-ci.

Mais l'enseigne était toujours allumée.

Elle remit son téléphone dans son sac et se dirigea vers la rue.

Jamais Samantha Hastings n'aurait imaginé que sa vie prendrait un tel tournant. Autrefois fille de riche gâtée pourrie, la voilà maintenant dans un quartier modeste avec une voiture en fin de vie.

Sa famille roulait sur l'or. Petite, elle avait des nounous et des femmes de ménage. Jusqu'à son départ de la maison, elle ne savait même pas faire cuire un œuf. On faisait tout à sa place.

À l'époque, Samantha pensait que cette vie la comblait. Si elle voulait quelque chose, elle l'obtenait. Elle ne dilapidait pas l'argent de son père en faisant les boutiques à tout-va.

Enfant, elle s'attirait souvent des ennuis - en jouant dehors dans ses beaux vêtements, en se roulant dans la boue ou en ramenant des insectes à la maison. On lui répétait que ce n'était pas digne d'une vraie dame.

Mais elle n'en faisait qu'à sa tête.

C'est peut-être à ce moment-là qu'elle a commencé à se rebeller - en portant des salopettes, en se faisant des couettes et en se sentant libre comme l'air.

Sa famille voulait qu'elle finisse ses études, mais se fichait pas mal de ses notes. Ils voulaient qu'elle soit cultivée et sache tenir une conversation avec les amis de son père. Mais personne ne lui a jamais dit de devenir médecin ou d'obtenir un diplôme en commerce.

Elle était une Hastings, destinée à être une gentille épouse et à avoir une ribambelle d'enfants.

Samantha voulait plus que ça.

Alors, comment ça se passe pour toi, Sam ?

Elle arriva finalement devant l'entrée du garage. Une enseigne au néon bleu indiquait « ouvert » de façon éclatante.

Quand elle poussa la porte, une clochette retentit. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, mais il n'y avait personne.

De vieux pneus s'entassaient dans un coin, et le sol était maculé de taches d'huile sombres. La peinture blanche sur les murs s'écaillait. Elle avança prudemment, essayant de voir si quelqu'un se trouvait à l'arrière.

Elle remarqua une vieille cloche en métal rouge sur le comptoir. Elle semblait usée, mais c'était toujours mieux que de crier. Elle appuya dessus, et la cloche émit un son étrange.

Pourquoi avait-elle l'impression d'être dans un film d'horreur ?

Parce que ta vie est un vrai cauchemar, Sam. À quoi d'autre t'attendais-tu ?

« Je peux vous aider ? »

Elle leva les yeux et vit un type aux yeux bruns. Elle posa sa main sur sa poitrine, sentant son cœur battre la chamade sous son pull rouge.

« O-oui, euh. Je... Ma voiture est tombée en panne. »

Le gars, les mains tachées d'huile, la dévisagea. Il avait les cheveux noirs coupés court et portait un t-shirt jaune troué. « Où ça ? »

« Juste... juste au bout de la rue. J'espérais... j'espérais que quelqu'un pourrait me dire ce qui cloche. » Elle bafouillait, nerveuse.

Elle se dandinait d'un pied sur l'autre, espérant de bonnes nouvelles. « J'espère qu'elle tiendra encore quelques mois au moins. » Une fois qu'elle aurait réglé quelques grosses factures, la vie serait plus douce.

Pour l'instant, cependant ? Les fins de mois étaient serrées.

« Il faudra la ramener ici avec une dépanneuse. »

« D'accord. »

Adieu télé. Adieu vin bon marché.

« Très bien. Hé Brooks, on a besoin de remorquer une voiture », cria-t-il à quelqu'un qui travaillait à l'arrière.

Les bruits cessèrent, et quelqu'un s'approcha. Un gars avec une crête blonde et un piercing au nez fit son apparition.

Il portait des vêtements aussi sales que l'autre type, et un jean avec de la peinture visible à travers les trous aux genoux. « Pas de souci, elle est où la voiture ? »

« Euh, au bout de la rue », dit-elle au nouveau venu. « Chevy grise. »

« Ça ne devrait prendre que quelques minutes. Vous pouvez patienter à l'intérieur si vous voulez. »

« D'accord, merci. »

Brooks partit, et elle attendit près du comptoir. Le premier gars était toujours là. « Vous avez soif ? Vous voulez boire quelque chose ? »

« Non, ça ira, merci. »

« Vous pouvez vous asseoir sur cette chaise pliante noire si vous voulez. C'est le seul endroit à peu près propre qu'on ait. »

Elle se retourna et vit la chaise solitaire. Ça ferait l'affaire. Elle s'approcha, s'assit et appuya sa tête en arrière.

Le temps passa au ralenti pendant qu'elle attendait. Ses pieds la faisaient souffrir après des heures debout. Faites que ça se termine vite, s'il vous plaît, s'il vous plaît.

« Hé, James - je l'ai ramenée. »

« Quoi ? »

« Je vais jeter un œil à la voiture. »

Samantha se redressa en entendant la nouvelle voix. Elle était grave et faisait battre son cœur plus vite. Pourquoi lui semblait-elle familière ? Elle se pencha sur le côté, essayant d'apercevoir le nouveau venu, mais elle ne vit que des cheveux bruns en bataille.

« Elle est où ? »

« Assise sur la chaise. »

Le nouveau gars entra, grand et beau comme s'il sortait tout droit d'un magazine. Il portait un jean et un t-shirt noir sans trous ni taches.

Il était canon.

Alors qu'elle le détaillait de la tête aux pieds, elle était subjuguée. Son t-shirt moulait son torse musclé. Elle retint son souffle.

Il avait une barbe de trois jours sur sa mâchoire carrée, et de belles lèvres.

Et ces yeux bleus perçants, ces cheveux bruns en bataille qui lui faisaient ressentir des choses. Mais ce visage...

Oh non.

Elle connaissait ces yeux bleus et ce sourire. Elle savait exactement qui il était et pourquoi sa voix lui était familière.

Chase. Chase Bennett. Le meilleur ami de son frère.

Ces yeux avaient hanté bon nombre de ses rêves d'adolescente. Elle sentit son visage s'embraser, et elle pouvait à peine le regarder.

Comment Chase avait-il atterri ici ?

Non, non, non. Quand elle avait quitté la maison, elle ne l'avait pas vu depuis des années. Son frère n'avait rien dit à ce sujet.

Il était autrefois le premier de la classe, avec un diplôme en commerce. Son frère et lui étaient inséparables, menant la belle vie.

Et maintenant il était mécanicien ?

Quelque chose clochait.

Et... et il n'avait pas l'air surpris du tout. Oh. Il ne la reconnaissait pas.

Non, c'était sans doute mieux s'il ne la reconnaissait pas. Comme ça son frère n'en saurait rien. La dernière chose dont elle avait besoin était qu'il se moque d'elle. Ou qu'il sache où la trouver.

Sam tourna la tête sur le côté, essayant de dissimuler son visage. Si elle ne le regardait pas, il ne saurait pas qui elle était.

« C'est à propos de ma voiture ? » dit-elle rapidement, brisant le silence gênant.

Il s'éclaircit la gorge. Oh non, pourquoi cela semblait-il si sexy ? « Euh, ouais. Brooks l'a ramenée. Je vais l'examiner. »

« Oh, d'accord, super. Merci. Et désolée d'être venue si tard. J'ai vraiment besoin que ma voiture remarche. » Elle continua à regarder par terre au lieu de lever les yeux, espérant qu'il ne la reconnaîtrait pas.

Il sourit, et pendant une seconde, elle eut l'impression qu'il savait... mais il n'avait rien dit. Sûrement, il l'aurait fait, non ? « Je vais voir ce que je peux faire. »

Il la regarda un moment, et elle sentit son regard s'éloigner.

« Je me sens mal que vous travailliez tous si tard. Votre patron doit être un vrai tyran. »

Il jeta un coup d'œil à l'autre gars à l'arrière avant de sourire largement. « Il l'est. Il est vraiment dur. Un vrai connard, en fait. »

Elle sentit son visage rougir avant de réaliser. Oh non. « Vous êtes le patron, n'est-ce pas ? »

Il rit. « Il se pourrait bien. »

Samantha mit sa main sur son visage, essayant de cacher à quel point elle était gênée. Comment Chase avait-il fini par posséder un garage ?

« Désolée », dit-elle timidement, soudain très intéressée par ses chaussures.

« Ne vous en faites pas », dit-il en riant alors qu'il continuait à griffonner sur un bout de papier.

Elle n'était pas proche de son frère Stephen, donc elle ne savait pas s'ils se parlaient encore. Elle avait besoin que sa famille pense qu'elle réussissait seule. Elle ne pouvait pas les laisser découvrir qu'elle galéraitavec ça aussi.

Samantha n'était pas la fille parfaite que son père voulait qu'elle soit. Elle ne voulait pas de cette vie-là.

Alors elle s'est rebellée. Elle a essayé d'aller à l'université, elle a essayé de trouver un boulot, mais bien sûr - son père ne la soutenait pas. Il disait qu'elle était stupide, qu'elle faisait un caprice. Mais ce n'était pas le cas.

Toute la liberté qu'elle pensait avoir - n'était pas de la liberté. C'était juste une autre forme de contrôle.

Samantha voulait leur prouver qu'ils avaient tort.

Ce qu'elle pensait bêtement être facile. Sans réfléchir, et en pleurant, elle a fait sa valise, pris l'argent qu'elle avait - pas celui de son père, et quitté la maison.

Vingt ans, pleine d'espoir et naïve.

Elle a trouvé une ville qu'elle pensait assez loin de chez elle pour que son nom ne l'aide pas et elle... s'est plantée en beauté. La moitié de son argent était parti la première semaine parce qu'elle devait rester à l'hôtel.

Elle ne pouvait pas se permettre un appartement.

Oh, et elle a appris qu'elle n'avait pas de crédit, rien. Maintenant, elle en était là, trois ans plus tard.

Elle a dû faire un lycée communautaire pendant presque deux ans avant que quiconque ne la considère pour quoi que ce soit. Cela lui prenait tout son temps, pour être encore tout en bas de l'échelle.

Comme Sam ne savait pas ce qu'elle voulait faire de sa vie, et qu'elle n'avait pas beaucoup d'expérience, elle retournait au lycée communautaire. Le prochain semestre commencerait bientôt...

Pas question que son frère sache qu'elle avait fini comme ça.

Chase recula et tourna la tête, détournant enfin le regard. « James, tu veux me filer un coup de main ? »

Alors qu'il s'éloignait, faisant quelques pas en arrière, elle sentit moins de pression dans sa poitrine et put respirer plus facilement. C'était un peu puéril de ne pas lui dire qui elle était, mais que pouvait-elle faire d'autre ?

Chase s'arrêta à la porte, tenant le bord alors qu'il la regardait. Détourne le regard !

« Sam, je vous tiendrai au courant. »

Sam.

Attendez. SAM ELLE ?!

Ses yeux s'écarquillèrent alors qu'elle regardait la porte de derrière le comptoir se fermer, Chase disparaissant. »