Je me suis réveillée avec l'arôme du café fraîchement préparé flottant dans l'air après une nuit reposante.
En descendant à la cuisine, j'ai trouvé ma mère et Lilian déjà attablées.
« Bonjour », ai-je lancé depuis le haut des escaliers. « Ce café m'a manqué. » Je me suis assise à côté de Lilian, une tasse fumante entre les mains.
Peu après, une nouvelle fragrance a envahi la pièce, se mêlant à celle du café. C'était l'odeur boisée de Brad, et je me suis retournée pour le voir me regarder depuis le bas des marches.
Il portait un short de sport et un t-shirt uni, bien loin de sa tenue professionnelle habituelle.
Il est entré dans la cuisine et a déposé un baiser sur le haut du crâne de Lilian.
« Salut, cousine. »
Puis il s'est approché de ma mère pour l'embrasser aussi sur le front.
« Bonjour, Valérie. »
Il s'est tourné vers moi avec un sourire. Quand ses lèvres ont effleuré le haut de ma tête, j'ai essayé de ne pas frissonner.
« Bonjour, Alice. »
Comment pouvait-il être l'Alpha tout en étant si doux et prévenant ?
« Alice, je peux te poser une question ? » a demandé Lilian, interrompant mes pensées.
« Bien sûr, Lili », ai-je répondu en souriant. J'ai pris des assiettes pour commencer à mettre la table.
« Tu as des cicatrices ? »
J'ai failli lâcher une assiette, mais Brad l'a rattrapée de justesse. Il m'a lancé un regard inquiet.
« Tu n'es pas obligée de répondre. Désolée, c'était juste de la curiosité. »
D'habitude, les loups n'avaient pas de cicatrices. On en gardait seulement quand la blessure avait failli nous être fatale. C'était mon cas. Sa curiosité était compréhensible.
« Non, Lili, c'est bon. J'ai une cicatrice au genou et une sur le ventre. »
J'ai tiré une chaise et posé mon pied dessus, relevant mon genou pour montrer la fine ligne sur ma peau. C'était une marque rose pâle, à peine visible. « Ici. Et là. » J'ai baissé ma jambe et soulevé un peu mon t-shirt, dévoilant la cicatrice sur le côté de mon nombril.
Non seulement Lilian l'a vue, mais aussi ma mère et Brad. Pendant un instant, j'ai frissonné en me rappelant qu'il avait embrassé mes cicatrices sans le savoir.
« Ce sont tes cicatrices ? » La voix de mon père a résonné alors que lui et mon frère entraient dans la cuisine.
J'ai gardé mon t-shirt relevé pour qu'ils puissent mieux voir.
« À l'époque, le médecin avait dit que les blessures laisseraient des marques, mais on les voit à peine », a commenté mon père avec intérêt avant de s'asseoir.
J'ai rabaissé mon t-shirt et fini de mettre la table.
« Au début, elles me faisaient mal physiquement. Il y avait une douleur en elles. Elles étaient violacées et importantes, et je me sentais très triste et presque effrayée quand je les regardais. Mais petit à petit, elles se sont estompées, et la douleur physique a disparu. Elles ne me dérangent plus.
« Il ne reste que la douleur émotionnelle de ce jour-là. Le vide, la tristesse et la culpabilité. C'est pour ça que je ne pouvais pas revenir. »
Tout le monde était immobile, les yeux rivés sur moi.
« Tu es revenue à cause de lui, n'est-ce pas ? » m'a demandé Lilian d'une voix tremblante. Adam a serré son épaule.
J'ai dégluti avec difficulté et acquiescé.
« Depuis que j'ai rencontré Brad, depuis qu'il m'a parlé de Liam, j'ai songé à revenir. Mais Liam allait mieux avec le traitement, alors même si je voulais venir en visite, quelque chose en moi m'en empêchait. Je ne trouvais pas ça juste. Je ne pensais pas que c'était équitable que je puisse retrouver tout ça, alors que Joseph ne le pourrait jamais... »
Ma voix s'est brisée. Mes yeux me brûlaient, mais aucune larme n'a coulé. « Et puis Brad a appelé, me disant que Liam ne répondait plus au traitement... Je ne me le pardonnerais jamais s'il partait avant que je lui dise au revoir... »
Tous les regards étaient braqués sur moi. Le silence était assourdissant.
« Bonjour », a lancé Liam du haut des escaliers, brisant notre moment de silence. J'espérais qu'il n'avait rien entendu. Mais ce ne serait pas grave s'il avait entendu. C'était la vérité, et il le savait probablement déjà.
« Bonjour », avons-nous tous répondu en chœur, et j'ai terminé de mettre la table.
Bientôt, la maison s'est emplie des odeurs de pancakes et de bacon, et nous nous sommes attablés pour manger. Le brouhaha d'un petit-déjeuner familial était une musique à mes oreilles. En sirotant une autre tasse de délicieux café, je me suis rappelée que je ne me sentais ainsi qu'avec la meute.
« Tu es restée tout ce temps sans voir d'autres loups ? Sans changer ? » a demandé mon père, poursuivant ses questions de la veille.
« Oui, mais ce n'était pas facile. » J'ai avalé difficilement, me remémorant la réaction de ma louve quand elle a vu Brad pour la première fois. « J'ai attendu trop longtemps - ma louve était presque folle. Mais je vais courir chaque semaine depuis que Brad m'a montré la réserve. »
« Je suis content que ça t'ait aidée », a dit Brad en buvant son café.
J'ai compris le double sens de ses paroles, et je l'ai simplement regardé.
Il a ensuite fait une tête comme s'il se souvenait de quelque chose. « La louve d'Alice est blanche. Comment est-ce possible si vous êtes tous gris ? »
« Alice tient de ma mère, même dans son caractère. Ma mère était une louve blanche de la famille Claumman-Eastwood des alphas du nord-est », a expliqué mon père.
« Une famille d'alphas. Donc, tu as de l'ADN d'alpha ? Ça explique le caractère et l'entêtement. » Brad a ri doucement.
« Elle n'a jamais été facile », a dit ma mère. « Adam a toujours été calme et sage, mais Alice remettait toujours tout en question. »
« Même petite, elle était toujours aux commandes des jeux auxquels on jouait », a ajouté Lilian en riant.
« Hé, je suis juste là », ai-je protesté pour la forme.
« Mais ce n'est pas un défaut. C'est juste ta façon d'être. Une façon d'être assez difficile à manquer, Alice. » Brad a ri de nouveau et a continué à me regarder.
Trois coups à la porte d'entrée ont détourné l'attention de tout le monde alors que des gardes entraient en trombe dans le salon.
Le garde en chef s'est figé en me voyant. C'est à ce moment-là que je l'ai reconnu. C'était James. Il était le meilleur ami de Joseph, et d'après l'insigne sur sa chemise, il était maintenant le chef des gardes.
« Alice... », a-t-il dit, l'air perplexe.
J'ai souri et me suis levée. Il a couru pour me serrer dans ses bras, me soulevant du sol.
« Content de te voir. Tu es de retour ? » a-t-il demandé. C'était la question que tout le monde brûlait de poser, mais personne n'osait.
« Je suis en visite, James. Du moins pour l'instant. » Je ne savais pas quoi dire. J'étais venue seulement pour une visite, mais je ne m'attendais pas à ce que le retour me fasse autant de bien. Rester était envisageable, mais j'avais encore beaucoup de mauvais souvenirs à affronter.
James a souri avant de dire, « Je suis content de te voir. » Mais ensuite il a pris un air grave et s'est tourné vers Brad. « Alpha, nous avons, euh, une urgence... »
Il était clair que James hésitait à cause de ma présence. Les gardes n'étaient jamais sur la réserve avec les messages à la Maison de la Meute. Après tout, seuls les dirigeants de la meute y vivaient.
Mais j'étais une paria, je ne faisais plus partie de la meute.
« Tu peux parler librement, James », a dit Brad d'un ton ferme.
« Il y a eu une attaque à la frontière, peut-être par un exilé. »
« Encore ? » a demandé Brad. « Les attaques se sont multipliées ces derniers temps. Nous devons découvrir pourquoi. » Il a posé ses mains sur la table et s'est levé, repoussant sa chaise.
J'ai senti son regard sur moi, mais je n'ai pas pu le regarder. Mon père s'est levé aussi rapidement. Et puis tout le monde s'est mis en branle.
Je suis restée assise là, surprise, ne sachant pas exactement quoi faire ou ressentir alors que tout le monde s'agitait autour de moi. C'était comme si mon cœur était tiraillé entre différentes émotions que je n'arrivais pas à démêler. J'étais nerveuse et inquiète, effrayée. Mais en même temps, je voulais les accompagner, enquêter avec eux.
Quand j'étais avec la meute et que je m'entraînais pour devenir la prochaine Bêta, c'était la partie que je préférais.
Je savais que tout le monde sauf Liam et Helena devait y aller. Brad et mes parents étaient les chefs de meute et prendraient les décisions, mais Lilian et Adam étaient en formation. Ils devaient aussi être présents.
« Lilian, tu n'avais pas dit que tu voulais faire visiter le village à Alice ? Et si tu restais cette fois ? Je te raconterai ce qui s'est passé plus tard, ma chérie », a proposé Adam en souriant, essayant de détendre l'atmosphère.
« Excellente idée, Adam. Je serai plus tranquille si Alice a quelqu'un avec elle. Ça te va, Lilian ? » a demandé Brad. Lilian a simplement hoché la tête en me souriant.
« Allons-y alors », a lancé Brad à la cantonade. Il est passé derrière moi et m'a embrassée sur le haut de la tête, me chuchotant pour que je sois la seule à entendre. « Ça ira, n'est-ce pas ? S'il se passe quoi que ce soit, tu m'appelles. »
J'ai acquiescé, et ils sont tous partis.
Liam est monté se reposer, avec Helena. Le médicament fatiguait Liam, et c'était triste de voir Helena s'affaiblir à mesure qu'il allait plus mal.
Lilian m'a aidée à débarrasser la table. « Je ne sais pas à quel point cette attaque t'a blessée, mais j'ai vu dans tes yeux que tu voulais les accompagner. »
« C'est sûr. » Je lui ai rendu son sourire. « Mais ce n'est plus ma vie maintenant. »
Après avoir rangé le petit-déjeuner, nous nous sommes changées pour sortir. Mais avant de quitter la maison, je me suis arrêtée.
« Je devrais me montrer dans le village ? Je ne vais pas avoir plus de questions ? Je suis une paria maintenant », ai-je dit à Lilian en soupirant, la tête basse.
« Une paria ? Tu es folle, Ali ? Tu es toujours la bienvenue ici. C'est ta maison, ta meute, et tu n'as jamais rien fait de mal. Allez, ça va bien se passer. » Elle m'a tendu la main, et nous sommes sorties.
« Maintenant dis-moi, qu'est-ce qui se trame entre toi et l'Alpha ? » Elle allait droit au but, comme toujours.
« Il ne s'est rien passé, Lili. On s'est rencontrés qu'une fois avant... » J'ai essayé de mentir, mais je savais qu'elle me percerait à jour.
« Ali, tu pourrais peut-être berner tes parents, mais moi ? Il te dévore des yeux, et tu t'agaces chaque fois qu'il donne un ordre. Si vous n'avez pas encore couché ensemble, ça ne saurait tarder. »
Je suis restée muette.
« Alors, vous avez déjà franchi le pas ? » Elle a parlé plus fort que je ne l'aurais souhaité.
« Lili, baisse d'un ton... C'était juste une fois, et ça ne se reproduira pas », ai-je dit, presque dans un murmure.
« Je le savais, je le savais. Mais raconte-moi tout. » Elle a agité les mains avec excitation.
« C'est ton cousin, ce n'est pas bizarre ? » ai-je demandé en haussant un sourcil.
« Je suis la compagne de ton frère. Si je te parlais de notre vie intime, ce serait bizarre », a rétorqué Lilian en penchant la tête.
« Argh ouais, garde ça pour toi. Je n'ai pas besoin de savoir. » J'étais heureuse pour eux, mais je ne voulais pas connaître leurs détails intimes.
« Alors... », a insisté Lili.
« Alors... J'ai rencontré Brad dans un bar. Son odeur m'a chamboulée. Je ne peux pas l'expliquer. J'étais tellement excitée rien qu'en le regardant, et ma louve a failli me faire perdre le contrôle. Mais c'était juste ça. Je savais que je devais la laisser sortir. Il a proposé de m'aider et m'a emmenée courir - et c'est juste... arrivé... »
« C'était le meilleur moment de ma vie », ai-je lâché sans réfléchir. Comme si mon corps parlait à ma place.
« Hmm, donc ça va forcément se reproduire, ce n'est qu'une question de temps. Qui sait, tu pourrais devenir ma cousine, hein ? »
Ça n'avait pas de sens, mais ça m'a fait réfléchir.
Était-ce possible ? La Déesse de la Lune m'avait déjà donné un compagnon, mais il m'avait été brutalement arraché. On n'avait jamais entendu parler d'un deuxième compagnon - quand l'un des deux mourait, l'autre le suivait généralement de près.
Mais j'étais l'exception à la règle. Quelque chose pourrait-il naître entre Brad et moi ?
