Ce fut un tourbillon de mouvements rapides.
L'homme leva son arme, la braquant droit sur ma poitrine.
En un éclair, Vinnie se plaça devant moi et 8ball me tira derrière une table qu'il avait renversée pour nous protéger. On entendit des pas précipités, des coups sourds sur de la chair, puis le craquement sinistre d'os qui se brisent.
Deux détonations retentirent.
La clochette de la porte tinta et Vinnie laissa échapper un gémissement de douleur. Je tremblais comme une feuille dans les bras de 8ball, mais je ne pouvais pas rester les bras croisés. Je me dégageai de son étreinte et me précipitai vers Vinnie. L'homme armé avait disparu, mais la traînée de sang sur le trottoir laissait penser qu'il avait le nez en compote.
Vinnie, étendu par terre, se tenait le ventre en gémissant de douleur. Il fallait faire vite. Quand 8ball s'approcha, je lui dis :
« Aide Vinnie à comprimer la blessure. »
Je courus chercher la trousse de secours dans le bureau.
« Il faut appeler les urgences », dis-je à 8ball, mais Vinnie secoua la tête.
« Non... trop de questions », articula-t-il péniblement.
« Il a raison. On doit l'emmener chez Saw », dit 8ball.
« D'accord, très bien. » J'aidai 8ball à installer Vinnie dans ma voiture, puis je retournai chercher mon sac et fermai le café à double tour. Je m'installai au volant et fonçai vers le club-house.
Je pilai net avant de sortir de la voiture. Pendant le trajet, 8ball avait maintenu la pression sur les blessures de Vinnie et essayé de le garder éveillé. Quand je vis John debout avec Thrasher à l'extérieur, je poussai un soupir de soulagement.
Thrasher prit 8ball à part pour avoir le fin mot de l'histoire. John aida à sortir Vinnie de ma voiture et appela les nouveaux membres pour qu'ils viennent donner un coup de main.
Une fois dans la salle de soins, je restai aux côtés de Vinnie pendant que John s'affairait, rassemblant le matériel nécessaire. John avait fait des études de médecine. Il aurait pu être médecin s'il n'avait pas rejoint les Highway Jokers, mais d'une certaine façon, il l'était toujours.
« Que s'est-il passé ? » nous demanda John tout en s'activant.
« J'allais fermer le café quand un type louche a forcé la porte. Tout s'est passé en un clin d'œil, il a sorti une arme, mais Vinnie s'est interposé. Ils se sont battus un moment, puis il a tiré deux fois sur Vinnie », expliquai-je, les larmes aux yeux.
John me jeta un coup d'œil avant de se reconcentrer sur Vinnie. Une fois la première balle extraite, il s'attaqua à la suivante.
« Va te débarbouiller », me dit John, mais je secouai la tête. J'étais comme pétrifiée et Vinnie avait perdu connaissance.
« Lita », reprit-il de cette voix posée qu'il utilisait quand il était concentré et sérieux. « Vinnie est tiré d'affaire maintenant. Vous l'avez amené juste à temps. Il va s'en sortir. » Il ne s'arrêta pas de travailler, mais ses épaules se détendirent.
J'allais essuyer mes larmes quand je vis que mes mains étaient maculées de sang. Une étrange sensation de peur m'envahit. John avait raison, je devais partir. Je murmurai un « d'accord » et sortis de la salle de soins.
J'étais penché sur la table de billard, prêt à jouer mon coup quand Gravel est parti répondre à son téléphone. On se trouvait dans une petite ville nommée Windy Harbour pour le boulot. On passait la soirée dans un bar, à boire quelques bières et à essayer de se détendre avant de rentrer à Bunbury le lendemain.
Les boules s'entrechoquèrent dans un bruit satisfaisant tandis que je réussissais mon tir dans le trou du coin. Je souris à Skitzo, mais je remarquai son air préoccupé.
« On a de la compagnie », dit-il en montrant le bar du menton. Je jetai un coup d'œil et aperçus des types portant des blousons avec des écussons. Ils appartenaient au groupe des Devil's Riders. Je sentis la colère monter en moi.
« Tu crois qu'ils cherchent la bagarre ? » demanda Blackout en mettant de la craie sur sa queue de billard, prêt à s'en servir comme arme.
J'observai les Devil's Riders parler à voix basse avant qu'un autre homme ne les rejoigne. Il portait un blouson, mais je ne distinguais pas bien son écusson. Il semblait différent, comme s'il n'était pas des Devil's Riders.
Pourtant, le groupe semblait écouter le nouveau venu. J'étais perplexe. Je ne savais pas si les Devil's Riders avaient un nouveau chef. Quelque chose clochait.
« Redback, va te planquer », dis-je en désignant l'autre groupe. Redback posa sa queue et alla se mettre hors de vue.
Avec Redback en position, je bus une gorgée de bière. Skitzo ne tenait pas en place, sentant qu'une bagarre se préparait. J'aurais pu l'arrêter, mais j'avais envie de leur faire payer ce qu'ils avaient fait à moi et au magasin de Lolita.
Skitzo me regarda et je hochai la tête. Avec un sourire, il prit une boule de billard et me suivit. Je m'approchai des Devil's Riders.
« Quelqu'un me doit des excuses », lançai-je en les toisant.
Les trois types se tournèrent vers moi. Je vis que c'étaient de simples membres. Ils remarquèrent mon écusson et se regardèrent en me cachant l'inconnu à l'écusson mystérieux.
« On ne voit pas de quoi tu parles, mon gars », dit le plus petit d'un ton nerveux.
Je les fixai d'un air menaçant. « Soit quelqu'un s'excuse tout de suite, soit ça va mal tourner. »
Blackout et Skitzo se tenaient à mes côtés, et j'aperçus Redback derrière eux, hors de leur vue. Comme personne ne s'excusait, je haussai les épaules et frappai le Devil's Rider le plus proche. Tout le monde se mit alors à se battre.
Nous nous jetâmes sur l'autre groupe, les gens s'écartant pour nous laisser de la place. Skitzo cassa le nez de quelqu'un avec la boule de billard, le poussa au sol et lui donna de nombreux coups de pied dans le ventre. Un employé nous dit d'aller dehors, mais je m'en fichais. Ce serait vite réglé.
J'attrapai la veste de l'ennemi le plus proche et le frappai à plusieurs reprises. Le type me donna un coup dans l'estomac qui me fit mal, mais je continuai et lui assénai trois coups rapides à la mâchoire. Mes mains étaient en sang et je le laissai tomber. Il resta à terre.
J'allais aider Redback à frapper un autre Devil's Rider quand Gravel m'attrapa par l'épaule.
« Il y a un problème à la maison. Quelqu'un a encore tiré sur le magasin de Lolita », dit Gravel.
« Quoi ? » Je donnai un coup de pied à un type au sol qui gémit. « Qu'est-ce qui s'est passé ? » demandai-je à Gravel.
« Thrasher a dit de rentrer vite », répondit Gravel en sortant son portefeuille pour laisser de l'argent au bar pour nos consommations.
Je redemandai avec colère : « Gravel, qu'est-ce qui s'est passé ? »
« J'en sais rien, mec. Il a juste dit de rentrer et d'être prudents. Je suis sûr que tout le monde va bien. » Gravel me toucha l'épaule et frappa le membre ennemi qui essayait de se relever.
Mais je vis quelque chose dans ses yeux. Peu importe ce pour quoi Thrasher avait appelé, c'était grave.
Je me dirigeai rapidement vers la porte et vis le type à l'écusson inconnu s'essuyer le sang de la bouche. Je le frappai fort et aperçus son écusson. Ce n'était pas celui des Devil's Riders, mais un que je ne connaissais pas avec un crâne brisé et une lame courbe.
Je courus jusqu'au parking, Gravel et Blackout sur mes talons. J'enfilai mon casque et enfourchai ma moto. Skitzo et Redback sortirent du bar en courant tandis que Gravel et Blackout montaient dans la camionnette.
Il nous faudrait au moins trois heures pour retourner à Bunbury avec les gens qui rentraient de vacances. Je quittai le parking en premier avant que quiconque ne démarre. Après quelques instants, les gars me rattrapèrent.
Pendant le trajet, mon cœur battait la chamade. Ne sachant pas grand-chose de ce qui s'était passé ni si quelqu'un était blessé, mon esprit s'emballait. Je ne cessais de me demander si Lolita était blessée et à quel point c'était grave. Miraculeusement, nous sommes rentrés à Bunbury sans encombre.
Je descendis de ma moto en premier. J'enlevai mon casque et courus dans le club-house. Je regardai autour de moi et vis Thrasher assis avec 8ball et Mage. Saw arrivait du couloir, probablement de l'infirmerie. Mais je ne voyais ni Vinnie ni Lolita.
Thrasher se leva quand j'arrivai à la table.
« Où est-elle ? » Mes poings étaient serrés, prêt à frapper quiconque essaierait de m'empêcher de la voir.
« Elle est dans sa chambre, elle se repose », dit-il.
Je commençai à me diriger vers le couloir, mais Mage se leva et m'arrêta.
« Du calme, petit », dis-je avec colère à Mage, mais il secoua la tête.
« D'abord, tu dois te calmer. Ensuite, écoute ce que le Président a à dire avant de foncer », dit Mage.
Je le regardai, prêt à le frapper, mais je savais qu'il avait raison. Je soupirai et me tournai vers Thrasher.
« Elle va bien, juste effrayée. Vinnie s'est interposé devant le tireur, donc il est le seul à avoir été touché. »
« Comment va Vinnie ? » lui demandai-je.
« Vinnie va bien, il s'en remettra », dit Thrasher en s'asseyant. « On a une vidéo claire de l'homme, il fait partie des Devil's Riders. Va voir ta copine, on a une réunion demain matin. »
J'acquiesçai et montai à l'étage jusqu'à la chambre de Lolita.
Je frappai doucement à la porte et entrai lentement. La lampe était la seule source de lumière dans la pièce. Elle était allongée sur le lit, serrant une couverture. Je fermai la porte et m'approchai d'elle. Je m'accroupis, et elle se réveilla en sursaut. Mon cœur se serra.
« C'est moi... c'est Daniel... », murmurai-je.
Elle me regarda dans les yeux et je n'aimais pas voir à quel point elle avait l'air stressée et effrayée. Elle se décala sur le lit pour me faire de la place et tapota le matelas. J'enlevai ma veste en cuir et l'accrochai à la porte avant de retirer mes bottes.
Lolita était déjà sous les couvertures quand je la rejoignis. Je la pris dans mes bras. Elle tremblait. Je la serrai plus fort et caressai doucement l'arrière de sa tête.
« Tu es en sécurité. Je te protégerai », chuchotai-je en embrassant sa tête tandis qu'elle s'agrippait à moi. Je ne laisserais rien lui arriver. Elle ne méritait pas ça.
Pendant quelques instants, elle pleura silencieusement et trembla contre moi. Puis sa respiration devint lente et régulière. Bientôt, je m'endormis aussi.
