L'Étreinte Silencieuse

KILLIAN

Une autre course.

Killian a soupiré et a roulé sur son matelas, étirant ses membres. Aujourd'hui était le jour J. Dans quelques heures, les canons allaient retentir.

Les filles seraient lâchées dans l'arène.

Au centre de l'arène, dans le cœur de Lazarus, les métamorphes fous seraient bientôt libérés de leurs cellules dans le donjon. Un jour par an, ils sont libérés pour jouer.

Killian espérait les éviter autant que possible.

La journée s'étendait devant lui. Il avait son plan, et il n'y avait aucune raison de s'embrouiller avec des métamorphes sans cervelle et voraces pour y arriver.

Attraper autant de Runners que possible. Faire un bon spectacle.

Les caméras regardaient.

Les producteurs regardaient.

C'est le moment, a pensé Killian. ~C'est l'année. J'atteindrai bientôt leur quota. Je gagnerai ma liberté.~

Pas la peine d'attacher ses cheveux, il passerait la plupart de la journée transformé.

Du temps pour se préparer, manger, s'assouplir. La journée allait être longue.

BLYTHE

Blythe courait jusqu'à ce que ses poumons brûlent.

C'était comme dans un rêve. Elle sprintait, mais ses jambes ne pouvaient jamais l'emmener assez vite. Le tas d'armes était comme un mirage devant elle, la distance béante. Jusqu'à ce que, soudainement, elle soit juste au-dessus.

Alors qu'elle s'est arrêtée devant le tas, son esprit a vacillé. Elle ne savait pas comment utiliser tout ça.

Vite, Blythe, son esprit l'a conduit à se souvenir de son plan de survie de l'épave anxieuse qu’était son cerveau. ~Attrape la lance~. Elle était assez légère pour courir, assez longue pour qu'elle n'ait pas à la lancer ou à se retrouver face à face avec un métamorphe.

Bien. Maintenant, sors de là !

Alors qu'elle s'éloignait de la clairière, le doute s'est insinué dans sa peau.

Ai-je bien choisi ? Ou est-ce que ce sera ma perte ?

Non. Tu as déjà fait ça.

Un arc et des flèches seraient inutiles, à cause de son incroyable manque de précision. Une dague serait trop proche et personnelle. Si elle s'approchait aussi près d'un métamorphe, elle pensait qu'elle serait morte ou, au moins, coincée avant qu'elle puisse faire le moindre mouvement pour attaquer.

La corde semblait inutile aussi. Elle pouvait l'aider à grimper aux arbres, peut-être, mais Blythe ne connaissait pas d'autres nœuds que ceux pour attacher les chaussures, et même ceux-là se défaisaient assez souvent pour qu'elle trébuche constamment sur elle-même.

Les épées étaient trop lourdes.

Blythe n'avait ni la coordination ni la force du haut du corps pour les trimbaler et réussir à échapper à un assaillant. La chose la plus lourde qu'elle ait jamais maniée était un rouleau à pâtisserie, et ceux-ci ne pesaient que quelques kilos au maximum.

Elle devait se cacher, et elle devait se cacher maintenant.

Alors qu'elle repartait, elle a entendu un rugissement à glacer le sang au loin, et elle pouvait jurer que son cœur s'est arrêté quelques instants.

Les métamorphes étaient de sortie, et ils avaient faim de leur proie. Pire encore, ce rugissement était particulièrement félin. Si elle devait grimper, elle devrait le faire rapidement et monter assez haut.

Blythe s’est précipitée dans l'épaisseur de la forêt, les dents serrées. Elle savait que l'escalade était un faux espoir. Même si elle parvenait à grimper plus vite qu'un métamorphe pendant un court moment, il ne faisait aucun doute qu'ils la rattraperaient et la dépasseraient.

D'ailleurs, elle a entendu un hurlement. Cela signifiait que les canins faisaient partie de la course cette année aussi. Canins et félins.

Son esprit s'est mis à imaginer ce qui allait sûrement se passer : des dents aiguisées comme des rasoirs qui s'enfoncent dans la chair, des griffes qui déchirent les vêtements et la peau. L'année dernière avait été brutale à regarder. Des corps frêles soulevés dans les airs, des serres massives s'enfonçant de façon sanglante dans les épaules et le dos alors qu'ils emmenaient les filles Dieu sait où.

Elle a continué à courir, la lance dans sa main fendant l'air devant elle.

Plus de cris. Humains cette fois.

Des sons déchirants.

Des bruits humides et écœurants.

Des craquements.

Les yeux de Blythe se sont posés sur une bûche, longue, fine, et près du sol.

Elle pouvait probablement s'y glisser, elle était assez petite. Si elle pouvait juste arriver au milieu, un métamorphe ne pourrait pas l'attraper.

« Sécurité », priait son esprit.

Crac.

Un frisson a parcouru le long de la colonne vertébrale de Blythe alors qu'elle s'arrêtait et se retournait. Un bâton venait certainement de se casser.

Va dans le tronc, s’est-elle conseillée. ~Mais, si j'essaie et que cette chose m'attrape par-derrière ?~

À ce moment-là, un grognement a fendu l'air.

Blythe a trébuché en arrière, son dos a heurté le tronc d'un arbre et elle a haleté.

Là, devant elle, se tenait un grand loup brun, les yeux ambrés fixés sur elle.

Elle ne pouvait pas respirer.

Elle ne pouvait pas parler.

Ses yeux se sont tournés vers la gauche de la bête et ont remarqué sa lance sur le sol. Elle avait dû la laisser tomber en trébuchant... Stupide !

Sa bouche s'est ouverte pour crier, mais avant que le son ne sorte de sa gorge, une autre créature est apparue, sa grande taille plaquant la louve au sol.

Ils ont roulé, un mélange de feu et de blanc se mélangeant à une tornade de fourrure rousse. Puis, soudainement, un rouge furieux a éclaboussé le sol de la forêt. Du sang.

Ils se battaient pour elle.

Blythe est restée figée, ses doigts s'accrochant à l'écorce derrière elle assez fort pour presque faire couler son propre sang.

Quand les deux animaux ont finalement arrêté de rouler, ils se sont levés en rampant. Un loup et une sorte de gros chat, peut-être un lion des montagnes, tous deux montrant leurs dents et lançant des regards meurtriers.

Le cœur de Blythe s'est arrêté dans sa poitrine.

Je suis dans la merde.

Milo

La fourrure de la nuque de Milo s'est redressée alors qu'il grognait, ses dents acérées dégoulinant de sang.

Il s'est à nouveau élancé en avant, pour mordre le caracal, Jackson, dans le cou. Milo l'a eu au poids et à la taille.

Enfin, un adversaire avec lequel je peux me battre et sortir vainqueur !

Il a frappé, ses dents ont juste effleuré le torse de Jackson.

Merde, le chat est rapide !

Jackson a essayé de prendre l'avantage sur lui, de lui taillader le museau, mais Milo est passé au-dessus de lui, réussissant à le faire tomber.

Le loup a de nouveau fait claquer ses mâchoires, les dents s'enfonçant dans l'épaule de Jackson.

Les pattes arrière du caracal s'enfoncèrent dans son estomac, le frappant de plein fouet, lui coupant le souffle.

« Oublie le félin », lui a dit l'humain en lui. ~Je devrais aller chercher la fille. La prendre et nous sortir tous les deux d'ici…~

Mais, le loup de Milo refusait d'ignorer la rage et la frustration qui coulaient dans ses veines.

Au lieu de cela, il a bondi à nouveau en avant, ses griffes passant sur le visage du caracal et le faisant siffler de douleur...

BLYTHE

Blythe a essayé de ramper pour revenir.

Elle devait essayer de grimper à l'arbre, mais la peur de tourner le dos au combat lui serrait le cœur.

Les deux bêtes, devant elle, se battaient inlassablement, apparemment sans fin, leur sang giclant en ponctuation de la violence.

Ses yeux ont aperçu sa lance. Elle pouvait l'atteindre.

Maintenant, c'est ma chance !

Blythe s'est précipitée, atteignant le sol à mi-course pour attraper l'arme.

Mais, une fois en main, le poids de la lance, combiné à son élan, la fit trébucher en avant, la forçant à se rattraper sur ses mains. Elle les a raclées assez fort pour la faire siffler.

Pourtant, elle l'a eu. Elle l'a eu ! Elle était à nouveau armée.

Mais, alors, réalisait-elle en retrouvant son équilibre, ~pourquoi les bruits de leur bagarre se sont-ils arrêtés ? ~

Blythe s'est retournée, les yeux de la taille d'une soucoupe, pour rencontrer les regards du caracal aux oreilles pointues et du loup qui la fixait. Meurtrier. Affamée.

Déglutissant dans sa gorge sèche, elle saisit la lance à deux mains, élargissant sa position. C'est ce que son père lui avait dit de faire.

Son regard se promenait entre le canidé et le félin, observant leurs muscles onduler sous leur fourrure.

Elle se demandait alors si c'était maintenant que les caméras la regardaient. Elles avaient toujours, pendant les années où elle s'est tenue debout pour regarder, réussi à trouver les filles dans les situations les plus terribles.

Blythe pouvait sentir le poids de la mort peser sur ses épaules.

Elle voulait que la terre l'avale, la sauve de ces animaux mortels et du public voyeur. Lâche.

Ses mains tremblaient, mais elle s'est ressaisie. Je ne mourrai pas couchée.

MILO

S'il avait été sous sa forme humaine, Milo aurait ri. De qui te moques-tu avec cette lance, princesse ? Tu crois tromper qui que ce soit ?

Il pouvait sentir Jackson derrière lui, mais il s'en fichait. Celle-là était la sienne.

La lèvre supérieure retroussée, il grogna dans la direction de la fille. Ne sois pas stupide. Tu ne sais même pas comment tenir ce truc. Viens tranquillement.

Mais, bien sûr, elle n'a pas écouté.

Pourquoi diable, ai-je pensé qu'elle pouvait m'entendre ? Les humains n'ont jamais appris à communiquer avec l'extérieur par l'esprit.

Au lieu de cela, il a fait un travail rapide et facile d'esquive quand elle a poussé la pointe de la lance vers lui. C'était presque mignon de voir à quel point elle était pitoyablement mauvaise à ce jeu.

Lorsqu'elle a voulu frapper à nouveau, Milo s'est jeté sur le bois de la lance juste au-dessus de la main de la fille et l'a arrachée de son emprise. Bien essayé, princesse.

Il serrait la mâchoire, brisant la lance en deux, tout en regardant sa proie, non, sa future compagne, le regarder avec horreur.

Il crachait, sa gueule maintenant humide de bave, alors qu'il s'approchait d'elle, pas à pas.

Elle préfère la manière forte ? Parfait.

Il y avait une chose dont Milo était sûr, que ce soit pour la baise ou la nourriture...

Il était affamé.