
Univers de Discrétion : Night Sleeper
Pendant un voyage à travers l'Europe, Tyler prend le train de nuit pour la Suisse. Il se retrouve dans le même wagon-lit que l'insaisissable Roland. Après une nuit de boissons et de plaisir, Roland invite Tyler à se reposer dans un hôtel. Il devient vite évident que Roland cache plus de choses qu'il n'y paraît.
Chapitre 1
J'ai toujours eu du mal avec les gens qui savaient exactement ce qu'ils voulaient faire de leur vie. Moi, je n'en avais pas la moindre idée.
J'ai décroché une mention très bien au bac et mes parents pouvaient m'offrir des études dans presque n'importe quelle fac. Mais aucune matière ne me passionnait vraiment.
Mon père a fait ses études à Hargrave College et occupe maintenant un poste important chez Helix, une entreprise de streaming musical. Ma mère aime faire les boutiques et boit un peu trop, mais leur couple tient bon.
Quand j'étais petit, mon père était souvent absent à cause de son travail. C'est peut-être pour ça que je ne voulais pas choisir de métier. Je ne voulais pas finir comme lui, toujours au bureau.
Ma mère n'était pas emballée par mon projet, mais mon père trouvait ça génial. Il m'a avoué qu'il aurait aimé faire pareil après le lycée, mais ses parents avaient refusé.
Alors, deux semaines plus tard, je montais dans un avion pour Londres pour entamer un périple d'un mois en Europe avec juste un sac à dos.
J'avais préparé une bonne partie de mon voyage avant de quitter les États-Unis, mais j'avais aussi laissé certains aspects ouverts. Je voulais pouvoir rester plus longtemps dans les endroits qui me plaisaient et filer rapidement de ceux qui ne m'attiraient pas.
J'ai adoré Amsterdam, alors j'y suis resté quatre jours de plus. Ensuite, je voulais mettre le cap sur Rome, et je pensais que le meilleur itinéraire passait par la Suisse.
Mon nouveau pote hollandais Sjoerd m'a conseillé de prendre un train pour Hanovre en Allemagne, puis un train de nuit pour Bâle, en Suisse. De là, je pourrais choisir de visiter Zurich, Genève, ou filer directement en Italie.
J'ai essayé de réserver une cabine solo dans le train, mais elles étaient toutes prises. La meilleure option restante était de réserver un lit dans une cabine à deux. J'avais fait plein de nouvelles rencontres pendant mon voyage, alors je me suis dit, pourquoi pas une de plus ?
J'étais en train de regarder le menu quand il est entré. Grand, les cheveux très blonds et les yeux d'un bleu perçant. Il semblait avoir la vingtaine, mais il avait l'air très mature.
Son costume lui allait comme un gant et semblait hors de prix. J'ai particulièrement flashé sur ses chaussures noires Vero.
Il m'a regardé et m'a dit bonjour en anglais. Je suppose que mon origine américaine sautait aux yeux.
« Roland », a-t-il dit en me tendant la main comme pour conclure une affaire.
« Ty », ai-je répondu en lui serrant la main. Il y avait plein de beaux gosses en Europe, et Roland en faisait clairement partie.
« Comme une Krawatte ? » a-t-il demandé en montrant sa cravate bleu marine pour s'expliquer.
« C'est le diminutif de Tyler », ai-je dit en laissant échapper un petit rire.
« Enchanté de faire ta connaissance, Tyler ! » a-t-il dit, ignorant le surnom que je préférais.
Il a rangé ses affaires, enlevé sa veste de costume et s'est assis avec son téléphone.
J'ai essayé de ne pas le fixer pendant qu'il tapotait sur son portable, mordillant l'intérieur de sa joue.
Quand le chariot de nourriture est passé, j'avais une faim de loup. J'ai pris une casserole de poulet et une bière. Roland ne semblait pas avoir faim, ou peut-être qu'il voulait juste picoler, comme ma mère.
Il a commandé quatre petites bouteilles de rouge. L'employé l'a regardé d'un drôle d'air. Roland n'a pas eu l'air de s'en apercevoir et a réglé ses consommations avec un billet de deux cents euros. J'ai vu qu'il en avait un paquet dans son portefeuille.
C'était qui ce type ?
J'ai avalé mon dîner tardif en écoutant de la musique jusqu'à ce que Roland attire mon attention.
J'ai retiré un écouteur pour l'entendre me demander : « Tu veux un peu de vin ? »
Comment dit-on déjà ? Bière sur vin, c'est venin ?
« Pourquoi pas », ai-je dit en prenant la bouteille qu'il me tendait. Il n'avait pas d'autre verre, alors j'ai vidé le mien.
« Qu'est-ce qui t'amène en Allemagne ? » a-t-il demandé, probablement pour faire la conversation. Je suis sûr qu'il avait repéré mon gros sac à dos.
« Je fais le tour classique de l'Europe », ai-je dit en levant mon verre pour trinquer.
« Je vois ! » a-t-il dit en hochant la tête. « Où es-tu allé jusqu'à présent ? »
« Seulement Londres et Amsterdam », ai-je répondu. « J'ai hâte de voir Rome, mais je pensais passer par la Suisse d'abord. »
« Tu n'es pas allé à Berlin ? » a-t-il demandé, l'air étonné.
« Non, non, non, je compte y faire un crochet sur le chemin du retour », ai-je dit rapidement, ne voulant pas le froisser.
Il a descendu son verre de vin et débouché une autre petite bouteille.
« Tu en veux encore ? » a-t-il proposé.
J'ai tendu mon verre, et il m'a versé un quart de la bouteille.
« Et toi, tu fais quoi dans la vie ? » ai-je demandé, essayant de relancer la conversation.
Son visage était vraiment beau, avec des traits parfaits et une peau claire. Ses lèvres étaient légèrement pincées, ses yeux scrutant les miens comme s'il cherchait quelque chose.
« Je bosse dans la finance », a-t-il dit d'un ton énigmatique.
Bientôt, le vin de Roland était à sec, et je riais aux éclats d'une anecdote qu'il me racontait sur sa première fois aux États-Unis.
« Merde, on est à court ! Je reviens vite », a-t-il dit en se levant et en attrapant sa veste.
« Laisse-moi y aller », ai-je proposé, me sentant un peu coupable. « Je crois que j'ai sifflé la moitié de ton vin. »
« T'inquiète, j'ai besoin de me dégourdir les jambes », a-t-il dit, l'air légèrement chancelant.
Il est revenu dix minutes plus tard avec deux nouvelles bouteilles et un grand sourire.
« On se fait un petit jeu », a-t-il dit. « Le perdant paie la prochaine tournée. »
La prochaine tournée ?! Combien pensait-il qu'on pouvait encore s'enfiler ? Il était déjà plus de minuit, et je luttais pour garder les yeux ouverts.
Mais en regardant son beau visage, je savais que je ne pouvais pas dire non.
« D'accord, c'est quoi le jeu ? » ai-je demandé, espérant que ce serait du gâteau.
« C'est super marrant », a-t-il dit, son accent allemand plus prononcé qu'avant. « J'y jouais souvent avec mes potes à L'École Hôtelière de Sion. »
J'ai attendu qu'il explique pendant qu'il me filait une des bouteilles.
« Le jeu s'appelle « Le saviez-vous ? » Tu dois balancer un fait vrai. Si l'autre personne ne l'a jamais entendu avant, tu remportes cette manche. »
« Mais comment empêcher quelqu'un de mentir et de dire qu'il le savait déjà, juste pour gagner ? » ai-je demandé, pensant que le jeu pourrait être biaisé.
« Ce ne serait pas très fair-play, non ? » a-t-il dit, l'air légèrement vexé.
« Ok », ai-je dit. « De quel pays venait Cléopâtre ? »
« Facile. Elle était égyptienne », a-t-il répondu du tac au tac.
Il pensait sûrement que je n'avais pas pigé son jeu, mais c'était une question à laquelle la plupart des gens se plantent.
« En fait, Cléopâtre était une Ptolémée ; elle est née en Égypte mais sa famille venait de Macédoine en Grèce. Après qu'Alexandre le Grand ait conquis la majeure partie du monde antique connu, il est mort à trente-deux ans. Son vaste empire a été partagé entre ses généraux, et Ptolémée est devenu le maître de l'Égypte. »
Roland me regardait, captivé.
« Près de trois siècles plus tard, Cléopâtre est devenue la dernière pharaonne Ptolémée à régner sur l'Égypte. Elle et Marc Antoine ont été vaincus par César Auguste, qui a ensuite fait de l'Égypte une province romaine. »
« J'ai toujours été une bille en histoire », a dit Roland en haussant les épaules. « Tu remportes la première manche ! »












































