Ali Nafe
ALARIC
Je ressentais un besoin urgent de prendre un verre. L'arrivée des autres meutes m'avait incité à faire le tour de notre territoire pour m'assurer que tout le monde s'installait correctement.
Les organisateurs du sommet n'avaient été d'aucune aide. J'avais dû leur expliquer les choses lentement, comme si je parlais à des enfants de maternelle. J'avais travaillé comme un fou pour m'assurer que tout était en place.
J'avais travaillé toute la journée et ma mère avait enfin pris le relais, me laissant un peu de répit.
Il ne restait plus qu'un groupe à accueillir, celui de la province du Sud. J'étais soulagé que ce soit ma mère qui s'occupe d'eux. Ces imbéciles pensaient que la paix était la réponse à tout, et non la guerre.
J'avais une opinion différente. La vie était une guerre, et si l'on restait sur la touche, on risquait de se prendre une flèche perdue.
Même si je détestais leur philosophie, cet endroit avait donné naissance à des femmes magnifiques. Lorsque je me lassais des visages d'ici, je visitais la province du Sud pour assouvir mes désirs. C'était un véritable paradis de femmes... pas de femmes ordinaires, mais de femmes parfaites. Peut-être que je chercherais à séduire l'une d'entre elles avant la fin du sommet.
Je me suis servi un verre de whisky avec des glaçons dans le bar de ma suite. La première gorgée est descendue en douceur et j'ai pris une grande inspiration pour calmer ma colère.
Nora est sortie de ma chambre, vêtue d'une lingerie noire qui laissait peu de place à l'imagination.
« Viens te coucher », a-t-elle susurré de sa voix faussement douce qui commençait à m'agacer.
Elle commençait à me gaver. Il fallait vraiment que je la quitte. C'était la petite amie avec laquelle j’étais resté le plus longtemps, et elle était très exigeante.
« Pas maintenant », ai-je grogné.
« Nous n'avons pas couché ensemble depuis une semaine. J'ai envie de toi ! »
Je lui ai accordé toute mon attention. Ce que je trouvais autrefois extraordinaire à regarder était maintenant devenu si banal. J'avais envie de lui dire de se rhabiller.
« Écoute, et écoute-moi bien. Je suis frustré en ce moment. Rien ne se passe comme je veux. Je n'ai pas le temps de m'occuper de toi. Tu dois me laisser tranquille maintenant. »
Ses lèvres ont tremblé avec une moue manifestement forcée, avant qu'elle retourne dans la chambre et claque la porte derrière elle, me laissant enfin en paix.
J'ai terminé mon verre et décidé qu'il était temps de m'arrêter là. Il serait honteux que le fils de l'alpha le plus puissant des Highlands soit vu ivre par nos invités.
Plus tard dans la soirée, je me suis rendu au réfectoire pour dîner avec les familles alpha. Nora était partie avant moi. Elle était furieuse, mais je m'en fichais. J'avais des préoccupations plus importantes.
Par exemple, l'alpha de la province du Sud avait deux filles qui, je le savais, étaient devenues des femmes. Elles étaient trop jeunes lors de notre dernière rencontre, mais j'étais impatient de les voir ce soir-là.
J'ai fait le tour de la salle. La seule chaise vide était à côté de Nora, qui avait la tête de quelqu’un souffrant d'une sévère constipation.
Mon loup s'est agité. Qu'est-ce qui lui prend ? Nora n'a jamais été attirante pour lui.
Je me suis assis à côté de Nora. Normalement, elle me prenait la main ou me chuchotait des mots doux à l'oreille, mais pas ce soir-là.
« Je suis heureux que tu te sois enfin joint à nous, mon fils », a déclaré mon père. Je me suis tourné vers lui et j'ai incliné la tête en signe de respect. J'ai regardé les invités assis autour de la table, et je me suis figé.
Dans un coin éloigné, à côté de la fille d'Alpha Clarke, se trouvait Laika, cette faiblarde qui avait été ma compagne.
Mon loup s'agitait à nouveau. C'était donc ça ? Cette misérable suscitait son intérêt ? Vraiment ? J'étais honteux de ma réaction, je pensais que nous avions dépassé cette attirance, que nous avions dépassé ce foutu lien.
Ses yeux étaient baissés, elle évitait de me regarder. Et pour une fois dans ma vie, je la trouvais belle.
Quelqu'un a versé du vin dans mon verre, me sortant de ma stupeur. La regarder fixement susciterait des questions inutiles. Personne ici ne la connaissait. Elle n'avait jamais mis les pieds dans l’enceinte des alphas lorsqu'elle vivait dans la province du Nord.
« J'ai appris que vous aviez adopté Laika », a dit mon père.
J'ai senti le regard de Nora sur moi, mais j'ai refusé de la regarder.
« Oui, c’est Lyall qui l'avait trouvée. Elle avait été gravement blessée par quelqu'un. »
« C'est tellement triste », a dit ma mère, les yeux fixés sur Laika.
Si Laika disait que c'était moi qui lui avais fait du mal, je jurais sur la Déesse de la Lune que j’allais la tuer pour de bon cette fois-ci.
« Nous sommes heureux qu'elle ait survécu. Il y avait peu d'espoir, mais elle s'en est sortie », a déclaré la luna de la province du Sud en souriant chaleureusement à Laika.
Les yeux de Laika ont croisé les miens. C'est alors que j'ai vu la cicatrice qui partait du milieu de sa joue, descendait jusqu'à son cou et passait sur son épaule où sa robe cachait le reste de la cicatrice. Même avec sa cicatrice, elle était à couper le souffle.
J'ai attribué cela au whisky que j'avais bu un peu plus tôt.
Serais-je capable de lui refaire ce que j'avais fait ? Même si j'avais essayé de rompre notre lien à l'époque, cela m'avait quand même fait mal. Ressentir encore ce genre de douleur n'était pas justifié.
J'étais presque certain qu'elle ne s'approcherait plus jamais de moi, et encore moins qu'elle prétendrait être ma compagne. L'épée d'argent avait été un avertissement suffisant, la cicatrice un témoignage de qui j'étais et jusqu'où j'étais prêt à aller.
Vers la fin du dîner, Laika s'est éclipsée. Je lui ai laissé un peu d’avance avant de la suivre. Il n'y avait pas besoin de se précipiter.
Sa robe rouge flottait dans l'air. Elle marchait rapidement, presque en courant. J'ai tourné à un angle et accéléré le pas, puis je l'ai coincée dans un couloir sombre.
Elle a retenu un cri lorsque je l'ai plaquée contre le mur.
« Tu devrais être morte », ai-je dit.
Elle est restée silencieuse, sa poitrine se soulevait et s'abaissait rapidement.
« Pourquoi tu es ici ? Pour dire à tout le monde ce que je t'ai fait ? Crois-moi, chérie, ça ne servirait à rien de leur raconter, putain », ai-je affirmé en la fixant dans les yeux.
J'ai ricané. « Regarde cette cicatrice. Je parie que tu penses à moi chaque fois que tu te regardes dans le miroir. Tu es si laide. »
Soudain, j'ai été repoussé et ma main a quitté son cou. Son genou s'est dressé et a atterri dans mon ventre.
Je me suis éloigné d'elle en titubant. C'était inattendu. Elle vient de me frapper ?
« Reste à l'écart », a-t-elle dit, la mâchoire tremblante.
Mes pieds refusaient de bouger. Elle m'a laissé là, avec une douleur au visage et au ventre.
« Incroyable », ai-je murmuré, fasciné. La chaleur inondait mon bas-ventre. Elle était fougueuse à présent, elle n'était plus la faiblarde que je craignais de voir ruiner ma supériorité à l'école. Mon loup a roucoulé et j'ai souri. Finalement, cela allait être très amusant.
***
Cette nuit-là, je n'ai pas pu dormir. J'ai tourné dans mon lit, avec les draps enroulés autour de mon corps. Ma joue chauffait encore au souvenir de sa petite main puissante qui l'avait frappée. Mon bas-ventre s'échauffait, l’envie d'aller la voir se répandait dans mes veines.
Douce Déesse de la Lune, l'image de sa force sauvage me restait en tête. C'était la seule chose à laquelle je pouvais penser. J'avais envie d'aller la voir, mais pour quoi faire ? La narguer encore ? Ou faire ce que faisaient les compagnons ?
Des années plus tôt, j'avais essayé de couper le lien entre nous, de l'effacer de mon existence. Mais il semblait que j'avais échoué.
Laika était revenue transformée. La version naïve et docile qu'elle était dans mon souvenir était enterrée depuis longtemps. Maintenant, elle était une femme avec assez de force pour émouvoir un alpha. Pour me troubler, moi.
Que lui était-il arrivé depuis cette nuit-là ? Et cette cicatrice, cette longue et fine ligne qui partait du milieu de sa joue et descendait jusqu'à son sein, ne faisait que la rendre plus séduisante. J'aurais dû la trouver laide, mais non, cette cicatrice avait quelque chose d'attirant.
J'ai levé les mains dans la pièce plongée dans l’obscurité. C'était ces mains qui lui avaient laissé cette cicatrice, et c'était par ces mains que j'allais l'avoir.
Ma verge s'est durcie au souvenir de son coup de genou dans le ventre qui m’a traversé l'esprit, et j'ai souri. Mes hanches ont ondulé et j'ai laissé échapper un juron. Bon sang, c'était si bon, comme si elle était là avec moi. Peut-être que je perdais la tête, ou peut-être que mon loup excité m’embrouillait l’esprit.
Quelqu'un a frappé à la porte de ma chambre, me tirant de mes pensées de Laika pressée contre moi. Lâchant une série de jurons, je me suis levé du lit et me suis dirigé vers la porte. Cela avait intérêt à être important.
Conan Murray se tenait là, en se frottant nerveusement les mains. Il regardait autour de lui, les mâchoires serrées, comme s'il soupçonnait quelqu'un de l'espionner.
« Pourquoi tu es là ? » ai-je soufflé en me déplaçant pour lui laisser la place d'entrer. Il n'a pas hésité et j’ai refermé la porte derrière lui.
« C’est vrai ? Elle est vivante ? Dis-moi que c’est juste un mensonge. »
Je suis allé au bar pour la deuxième fois ce soir-là.
« Réponds-moi », a-t-il exigé.
Je lui ai tendu un verre de whisky. Il était réticent mais l’a pris quand même. Conan n'était pas du genre à refuser un bon verre sous l'effet de la panique, ou plutôt de la peur.
« Elle est vivante. » J'ai sifflé tout mon verre et je m’en suis servi un autre.
Les yeux de Conan se sont écarquillés. « Tu es en train de me dire que la fille que nous avons tuée est revenue d'entre les morts ? »
« Oui, elle est revenue. Oui, elle est vivante. Et oui putain, elle est ici. »
Il a avalé d'un trait le contenu de son verre. « Ma Déesse… » a-t-il dit en me faisant signe de remplir à nouveau son verre.
« Elle ne dira rien », ai-je essayé de le rassurer, mais il était tellement inquiet qu'il s'en fichait.
« Tu en es sûr ? »
« Personne ne la croirait, Conan. Je suis le fils de l'alpha, tu es mon bêta, et elle n'a aucune preuve. » Je l'ai saisi par une épaule pour attirer son attention. « Ce serait sa parole contre la nôtre. Elle ne peut pas prendre ce risque. »
« Tu ferais mieux d'avoir raison », a-t-il dit en expirant une grande bouffée d'air.
J'en étais certain. Laika était forte maintenant, elle savait se battre, mais j'étais sûr qu'elle ne prendrait pas le risque d'attirer l'attention en disant quoi que ce soit.
J'ai bu une autre gorgée de whisky. Comment avait-elle pu survivre à ce qu'on lui avait fait subir ? Le fait qu'elle soit en vie en disait long sur elle.
Peut-être avions-nous eu tort de la croire faible, inférieure. Laika était une battante. Je pouvais le voir maintenant. Et j'allais vérifier à quel point.
Mes lèvres ont formé un sourire tandis que l'anticipation m'envahissait. Sa venue ici n'était rien d'autre qu'une putain de bénédiction pour moi.