
L'Oiseau et le Loup
Vivant dans un monde divisé, Freya est forcée à un mariage arrangé dans le cadre d'un traité de paix entre familles. Son nouveau mari est Cain, héritier de la famille rivale Vargar. Malgré les tensions, leur relation s'approfondit...
Cependant, ce n'est que le début de leur voyage. Que se passe-t-il lorsque la paix nouvellement établie est à nouveau menacée ?
Les Nouvelles de Raga
FREYA
Freya tira une flèche de son carquois et l'encocha sur son arc. Elle était bien décidée à ne pas rater sa cible.
Dans quelques instants, le gros lapin serait à portée de tir. L'animal broutait paisiblement l'herbe, sans se douter du danger qui le guettait.
Perchée sur une branche basse, Freya sentait ses cheveux blancs s'échapper de sa tresse. Un vent violent se levait, faisant bruisser les feuilles brunes des arbres.
Mais Freya restait concentrée. Ramener de quoi manger à sa famille serait une belle réussite.
Le lapin se faufila sous les herbes à la recherche de pousses plus tendres. Sa fourrure blanche tranchait nettement avec les feuilles mortes au sol.
Soudain, le lapin bondit. La flèche de Freya se planta dans la terre humide, et l'animal détala à toutes jambes.
Agile comme un écureuil, Freya sauta d'arbre en arbre pour le suivre. Ses bras puissants la hissaient sans peine jusqu'aux branches les plus hautes. Elle savait se déplacer en silence, telle une ombre dans les bois.
Une nouvelle bourrasque fit tomber une pluie de feuilles. Elle descendit à mi-hauteur de l'arbre suivant, scrutant les alentours à la recherche du lapin. Malgré l'air frais, quelques gouttes de sueur perlaient sur son front. Elle banda son arc, prête à décocher une nouvelle flèche.
Cette fois, elle était sûre de faire mouche.
Mais des rires tonitruants venant du ciel effrayèrent le lapin. Il s'enfuit à toute vitesse, trop rapide pour que Freya puisse le rattraper.
La chasseresse leva les yeux vers la cime des arbres. « Que le diable les emporte », grommela-t-elle. Plus besoin de jouer les filles de l'air maintenant.
Un groupe de soldats passa en volant au-dessus d'elle. Ils n'étaient que cinq, mais faisaient assez de tapage pour effaroucher tout le gibier à des lieues à la ronde.
C'en était fini de la chasse pour Freya.
Ses joues s'empourprèrent et les plumes de son cou se hérissèrent tandis qu'elle regardait avec colère les soldats voler vers la colonie. Ne pas ramener de lapin ne mettrait pas sa famille sur la paille. Mais elle aurait aimé en rapporter un pour le ragoût de sa mère.
Freya sauta de branche en branche jusqu'au sol. Il fallait qu'elle retrouve la première flèche qu'elle avait tirée. Les flèches étaient précieuses, il ne fallait pas les gaspiller. Ses bottes foulèrent le sol moelleux de la forêt tandis qu'elle rebroussait chemin.
Elle se dit que ça aurait pu être pire. Il lui restait du temps pour rentrer avant la tombée de la nuit. La chasse était ainsi parfois, et Freya appréciait ces moments de solitude.
Elle retrouva la flèche dans les broussailles. Le vent semblait la pousser vers la maison alors que l'après-midi fraîchissait.
Quand elle aperçut enfin son foyer, seule une faible lueur filtrait à travers les arbres. En approchant, elle entendit les familles Adaryn s'affairer pour passer une agréable soirée dans leurs maisons perchées. Freya esquissa un sourire en voyant les jolies demeures nichées dans les plus hautes branches des arbres les plus imposants. Certaines étaient reliées par des ponts de bois, mais la plupart des Adaryn préféraient voler d'un endroit à l'autre.
Un soldat Adaryn atterrit sur la terrasse qui entourait l'arbre. Ses grandes ailes brunes se replièrent contre son dos une fois qu'il eut pris pied sur les planches. Il entra chez lui.
Au-dessus, d'autres soldats commençaient à arriver en volant à travers la canopée pour regagner leurs pénates.
Freya enviait leurs ailes colorées. Leur aisance à se faufiler entre les branches était impressionnante. Elle poussa un soupir.
Comme elle aurait aimé pouvoir voler comme eux.
Elle ajusta la bandoulière de son carquois sur son dos, là où ses ailes auraient dû être. La plupart des enfants nés comme elle ne faisaient pas de vieux os, et c'était voulu. Freya était la seule Adaryn vivante incapable de voler, et chaque jour lui rappelait à quel point elle était différente.
Elle aperçut du blanc et du rouge au-dessus d'elle. Elle entendit les bottes d'un soldat atterrir sur la terrasse de sa maison. Sa sœur rentrait-elle aujourd'hui ?
Freya saisit la corde à nœuds au pied de l'arbre et grimpa. Elle n'avait peut-être pas d'ailes, mais elle grimpait mieux que n'importe lequel d'entre eux. Leurs maisons étaient délibérément placées en hauteur, pour les protéger au maximum de leurs ennemis. Celle de Freya était la seule équipée d'une échelle.
Freya atteignit la terrasse et se hissa sur les solides planches. Elle remonta l'échelle, comme ses parents le lui avaient appris. Puis elle se précipita vers la porte pour voir qui était là.
Les odeurs familières de la maison l'accueillirent. Leur mère avait fait du pain frais, et un ragoût mijotait.
Sa sœur, Raga, avait pris un morceau de pain chaud et tournait le dos à leur mère.
« Raga, repose ça ! Le pain est pour le dîner », dit leur mère.
Raga fit un clin d'œil à Freya.
« Tu es rentrée ! » Freya était aux anges de voir sa sœur. « Tu as l'air en pleine forme. »
Raga était une guerrière Valkyrie depuis plusieurs saisons déjà, mais Freya n'était toujours pas habituée à son allure impressionnante. Ses cheveux blancs et ses ailes avaient été récemment teints de rouge aux extrémités, comme le faisaient toutes les Valkyries pour se distinguer des autres soldats Adaryn. Les Valkyries n'étaient pas des guerrières comme les autres.
« Repose ce pain sur la table », dit leur père.
Raga fit la sourde oreille. « Je suis rentrée, petite sœur. » Ses yeux bleus pétillaient tandis qu'elle se jetait sur le petit corps de Freya.
Raga serra sa cadette dans ses bras, tenant le morceau de pain à moitié mangé hors de portée de leurs parents.
« Juste à temps pour passer à table, sœurette ! J'ai volé jusqu'ici dès qu'on nous a libérées. Le groupe suivant est arrivé pour prendre la relève. Je savais que le ragoût de Maman serait prêt et m'attendrait. Enfin, nous attendrait. Bien sûr que je vais partager. Une guerrière a toujours l'estomac dans les talons, d'après le capitaine. » Raga sourit à Freya avant de se tourner vers leurs parents. Elle enfourna le reste de son pain et sourit.
Les yeux bleus de leur mère brillaient comme ceux de Raga et Freya tandis qu'elle souriait, heureuse d'avoir ses deux enfants à la maison. Freya savait qu'elle aimait avoir sa famille réunie, même si elle était fière du travail de Raga.
Freya voyait la fierté de leur père alors qu'il contemplait sa formidable aînée. Raga faisait grand honneur à la famille en tant que l'une des rares Adaryn à rejoindre le groupe d'élite des Valkyries. Elle était courageuse, douée au combat et forte. De plus, elle était belle comme le jour. Et elle pouvait tout accomplir.
Freya détourna le regard de sa famille vers le ragoût fumant. Comparée à sa sœur, elle ne valait pas un clou. Juste un boulet pour la famille. Même si les siens l'acceptaient, elle se sentait de trop. Elle était vraiment heureuse de voir sa sœur et se promit de ne pas laisser sa propre honte gâcher ce moment familial.
« S'il te plaît, Raga, assieds-toi et raconte-nous ce qui se passe à la frontière. Les autres femmes au marché disent... » commença leur mère.
Le rire de Raga l'interrompit.
« Tu t'en fais encore pour moi ? Tu crois que quelques chiens aperçus à la frontière me font peur ? Pas du tout. J'aimerais bien voir un de ces chiens sauvages essayer de mettre une patte sur les terres Adaryn. Les Valkyries leur feraient passer l'envie de recommencer. » L'aînée leva le poing.
L'assurance de Raga rassura leur mère, mais leur père semblait légèrement préoccupé.
Freya se dit que leur père avait peut-être raison de s'inquiéter.









































