Quand les rôles s'inversent

LUCY

Mes yeux se sont ouverts quand j'ai senti un tissu froid et humide sur mon front. J'ai regardé autour de moi et réalisé que j'étais dans la chambre des domestiques, allongée sur l'un des lits moelleux.

Tout a commencé à me revenir rapidement, depuis ma capture dans la forêt, mon emprisonnement dans le château d'un roi lycan, mon travail de servante, puis ma rencontre avec le roi lui-même en chair et en os. Je me souvenais de tout et j’aurais préféré que ce ne soit pas le cas !

"Tu t’es évanouie dans le jardin de roses après avoir rencontré le roi. Eh bien, c'était inattendu de ta part", a dit une voix à côté de moi. Je connaissais ce ton direct.

J'ai tourné lentement la tête car elle me semblait raide et j'ai regardé Emma. Elle était assise sur un tabouret à côté de moi avec un petit bol d'eau dans les mains.

J'ai respiré profondément avant de parler. "Qu'a-t-il dit avant que je m'évanouisse ?" ai-je demandé d'une voix rauque. Je savais ce que j'avais entendu, mais j'avais besoin d'une confirmation. Peut-être que j'avais mal entendu.

"Je pense que tu sais déjà ce qu'il a dit, Lucy, et qu'il veut que tu gardes le silence sur cette question. Tu es déjà assez chanceuse de ne plus être condamnée à mort comme la plupart des humains qui finissent dans les donjons du château. Être la compagne d'un roi lycan est rare, même pour notre espèce, mais être la compagne humaine d'un lycan, c'est du jamais vu !" a-t-elle chuchoté, mais cela a fini par être un peu trop fort.

La surprise et la confusion se lisaient sur son visage. J’étais presque sûre que mon expression faciale était celle d'une personne qui avait probablement rencontré quelque chose de pire qu'un fantôme.

"Comment c’est possible ? Pourquoi cela m'arrive-t-il ?" ai-je pensé tout haut en me redressant. Il n'y avait pas moyen que je vive ça ! J'ai attrapé les mains d'Emma et je l'ai regardée désespérément.

"Tu dois me tuer ! S'il te plaît, fais-le maintenant, je ne peux plus vivre comme ça. Chaque jour, quelque chose de mauvais m'arrive, mais ça... c'est encore pire que tout !"

Elle m'a regardée, d’abord surprise, puis avec de la pitié.

"Je ne peux pas te tuer, Lucy, même si je le voulais. Tuer la compagne d'un roi est pire qu'une trahison, mais tuer la compagne d'un lycan... c'est se condamner à un sort pire que la mort. Non seulement il m'écorcherait vive, mais il brûlerait tout mon village, y compris tous ceux que j'aime, ma famille. Il tuerait tous ceux sur qui j'ai posé les yeux."

J'ai secoué la tête. "Il ne le fera pas, il ne m'aime même pas ! Je suis sûre qu'il te récompenserait si tu me tues... s'il te plaît !" l'ai-je suppliée.

"Non ! Tu ne sais rien de notre espèce, même s'il ne t'aime pas maintenant, son loup a déjà créé un lien avec toi au moment où il a posé les yeux sur toi. Peut-être que son côté humain refuse de s'accoupler avec une humaine, mais son loup aurait sûrement ma tête !" a dit Emma, en écartant mes mains d’elle.

"Il ne saurait pas que tu m'as tuée. Étouffe-moi et laisse les autres serviteurs me trouver. Ils diront que je suis morte dans mon sommeil. Tu dois le faire, s'il te plaît ! Tu ne peux pas me laisser vivre le reste de ma vie avec un lycan. Aie pitié de moi et accorde-moi cela, je t’en prie, je t’en supplie."

Elle m'a regardée comme si elle considérait ma demande, mais elle a secoué la tête, a attrapé la serviette que j'avais laissé tomber sur le lit et s'est levée.

"Je déteste peut-être ton espèce mais je ne suis pas une meurtrière. Alors s'il te plaît, ne me tente pas car nous avons aussi une Déesse qui me brûlera avec les flammes de l'enfer. Repose-toi encore un peu. Il est déjà dix heures passées. Je t’apporterai ton souper."

Elle a ensuite repris son bol d'eau et elle est sortie.

Je me posais tellement de questions sur mon avenir maintenant, la seule solution que j'avais pour mon problème, c’était la mort. La colère sur le visage de ce lycan quand il a réalisé que j'étais sa compagne m'a donné la chair de poule sur toute ma peau.

Comment pouvais-je être accouplée à la bête qui a tué mes amis ? Son espèce a tué ma famille. Je préférais être morte que de vivre dans cet endroit avec ces bêtes de l'enfer.

Emma est entrée avec une assiette pleine de riz et un peu de soupe. Elle m’a tendu l'assiette et une cuillère. "C'est tout ce qui restait. Mange, tu auras besoin de tes forces."

"Qu'est-ce que cela signifie pour moi, être accouplée au roi ?" ai-je demandé en prenant l'assiette de ses mains.

"Je ne sais pas, il m'a juste demandé de garder le secret et que tu ne dises rien non plus. Si tout cela s'ébruite, il a dit qu'il aurait ma tête, mais il n'a rien dit sur ton sort. Tu reprendras ton travail demain comme d'habitude", a-t-elle dit sévèrement, et j'ai hoché la tête.

***

J'avais pu dormir plus tôt la nuit précédente après le malheureux événement qui s'est terminé par mon évanouissement, donc je n'ai pas été surprise quand je me suis réveillée très tôt sans être réveillée par quelqu'un d'autre.

J'ai été assignée à la cuisine ce jour-là et c'est donc là que j'ai aidé les autres servantes à préparer le petit déjeuner pour l’entourage royal.

Je commençais à m'habituer à être détestée, dévisagée et bousculée par ces omégas. Je supposais qu'ils étaient un peu fiers d'être supérieurs à moi puisque tous les autres loups étaient supérieurs à eux.

Alors me brutaliser apaisait leur douleur et leur donnait un peu d'estime de soi, mais quant à moi, j'étais misérable. J'avais été blessée plus de dix fois déjà et il était encore tôt le matin.

Quelqu'un me faisait trébucher, me poussait si fort que je tombais face contre terre ou versait volontairement un peu d'eau bouillante sur mes mains.

Cette fois-ci, j'étais sur une chaise et j'essayais de prendre des assiettes en verre pour le petit-déjeuner. Elles étaient très hautes dans les armoires de la cuisine et malheureusement, j'étais petite.

Un autre oméga malveillant ayant une vendetta inconnue contre moi a donné un coup de pied à la chaise sur laquelle je me tenais et je suis tombée de haut.

Et pour ajouter encore à ma misère, les assiettes en verre que j'essayais d'atteindre ont décidé de s'abattre sur moi comme la pluie et j'ai fermé les yeux en attendant qu'elles me fassent mal.

Mais rien n'est arrivé.

Tout s'est passé si vite : j'étais sur le sol et je voyais la pile d'assiettes me tomber dessus, puis la seconde suivante, j'étais dans les bras de quelqu'un et placée sur le comptoir de la cuisine.

Mes yeux étaient écarquillés et je clignais des yeux en regardant la pile d'assiettes s'écraser et se briser en petits morceaux sur le sol. J'allais sûrement avoir beaucoup d'ennuis pour ça. J’étais sûre que ces assiettes en verre étaient très chères, comme tout le reste dans le château.

"Qu'est-ce qui t'a pris de grimper sur cette chaise juste pour prendre de la stupide vaisselle ! Tu ne sais pas que ce n'est pas sûr ? Es-tu stupide ?" m'a dit une voix grave et dure, me faisant sursauter un peu.

J'ai levé les yeux vers l'homme qui m'avait pratiquement sauvé la vie mais quand j'ai réalisé qui c'était, j'ai eu envie de m'évanouir à nouveau. C'était le roi lycan ! Mon Dieu, pourquoi moi ?

"Je...je... j'en avais besoin. C'était juste un accident", ai-je bafouillé. J'ai failli lever les yeux au ciel en voyant à quel point j'avais l'air stupide, mais ce n'était pas ma faute si quelqu'un avait décidé de mettre fin à ma vie en provoquant cet accident.

Mais je n'allais pas dire cela au roi. Il pourrait décider de me tuer lui-même si j'osais accuser l'un des siens.

Il m’a regardée d’un air moqueur, se tenant toujours très près de moi. Nous étions littéralement à quelques centimètres l'un de l'autre.

"Tu en avais besoin ? Alors tu as décidé de risquer ta vie pour ça... tu réalises à quel point tu es ignorante ? Qui t’a fait travailler dans une cuisine ? Ton travail ici est terminé", a-t-il dit en me soulevant du comptoir et en me plaçant sur le sol où je suis restée bouche bée.

J'ai entendu des gens s’exclamer et j'ai réalisé qu'il y avait encore des domestiques dans la cuisine. Ils sont restés figés sur place en regardant leur roi m'attraper le bras et me traîner hors de la pièce.