Luna Meurtrie

KARA

Mon cœur bat la chamade alors que je recule, essayant de mettre de la distance entre nous. Mais avant que je puisse m’échapper, la foule s’écarte sans effort, en lui ouvrant un chemin pour m’atteindre.

Mes sens semblent s’aiguiser, et je ne peux m’empêcher de remarquer le parfum envoûtant qui l’entoure : un mélange délicieux de chocolat et de vanille, mes parfums préférés.

Son visage effleure le sommet de ma tête, son souffle descend jusqu'à la courbe délicate de mon cou.

Non. Je ne peux pas être sa compagne, c'est impossible. Je n'ai même pas encore vécu ma première transformation. Et je n'ai pas encore dix-huit ans.

C'est une erreur.

Il me fait tourner vers lui, pour me tenir fermement contre sa poitrine, avec mon visage pressé contre lui.

Sa main soulève doucement mon menton, guidant mon regard vers ses yeux verts envoûtants. Ils contrastent avec sa peau pâle et ses cheveux blancs, intensifiant la teinte vive de ses yeux.

Il tourne mon visage pour mieux voir ma cicatrice, et un grognement sourd s'échappe de ses lèvres. « Qui t'a fait ça ? »

Alors qu'il me serre, la pression augmente en devenant rapidement insupportable.

« J'ai dit, qui t'a fait ça ? »

Je saisis son poignet. « Vous me faites mal. »

« Je ne sens pas ta louve. Pourquoi je ne sens pas ta louve ? »

« J...je ne me suis pas encore transformée. »

Ses yeux s’écarquillent. « Tu as quel âge ? »

« D…dix-sept ans. »

En un instant, il me lâche et me repousse comme si mon contact l'avait brûlé, puis se retourne et sort du chapiteau, suivi de près par ses hommes.

Un silence étrange règne après son départ. Les expressions autour de moi sont un mélange de surprise, de dégoût et d'horreur.

Je suis presque reconnaissante quand la voix tonitruante d'Alpha Black rompt le silence.

Quand il est à côté de moi, il dit : « S'il vous plaît, tout le monde, reprenons les festivités ! »

De la musique commence à être jouée, et la foule se disperse.

Alpha Black se tourne de nouveau vers moi. « Viens, Kara. »

Je le suis hors du chapiteau, avec Bêta Matthew derrière nous, jusque dans la maison de la meute où il me conduit dans son bureau.

Alpha Black s'approche de son bureau et s'assied derrière. « Kara, que s'est-il passé ? »

Je ne peux m'empêcher de baisser les yeux vers mes pieds, en ressentant un mélange de nervosité et d'anxiété. Je commence à tordre mes doigts qui s'agitent tandis que je lutte pour comprendre ce qui se passe.

« Je ne sais pas. »

Il fait claquer ses mains sur le bureau. « Que veux-tu dire par "je ne sais pas" ? Tu as énervé le grand alpha ! »

En clignant des yeux pour retenir mes larmes, je perçois un soupçon de peur dans ses yeux. « Je pense, enfin, je n’en suis pas sûre, mais je pense qu'il croit que je suis sa compagne. »

Ses yeux s'écarquillent, puis il se met à rire ! Ça commence lentement, mais il finit par rejeter la tête en arrière et éclater de rire.

J'entends Bêta Matthew rire derrière moi, lui aussi.

Alpha Black s'affale dans son fauteuil et essuie une larme au coin de son œil. « Pourquoi le grand alpha penserait-il qu'une fille de dix-sept ans est sa compagne ? »

Avant que je puisse dire quoi que ce soit, une voix envoûtante lui répond : « Je me pose la même question. »

Alpha Black passe de la position assise à debout, droit et raide en un éclair. « Grand Alpha ! »

Je ressens un mélange d'émotions en me retournant pour regarder l'homme que la Déesse de la Lune aurait désigné pour être mon compagnon.

Quelle blague ! Il est le mâle le plus puissant de notre peuple, alors que je ne suis rien du tout.

Et pourtant, c'est quand même déstabilisant de le voir s'avancer vers le bureau d’Alpha Black et prendre place, tout en ignorant complètement ma présence.

« Alpha Black, pourrais-tu m'expliquer pourquoi une adolescente de dix-sept ans, qui ne s'est même pas transformée, est destinée à être la luna de toutes les meutes d'Amérique du Nord ? »

« Je, euh... Ça doit être une erreur. »

Le grand alpha croise les jambes et commence à faire tambouriner ses doigts sur un bras du fauteuil. Son impatience est palpable. « Exactement, c'est une erreur. »

Bien que je ne sois pas particulièrement fan de la Déesse de la Lune, mes parents croyaient qu'il y a une raison à toutes ses décisions, ce qui inclue tout depuis le choix des compagnons jusqu’à notre mort.

En m'éclaircissant la gorge, je fais un pas en avant, en ressentant un mélange de détermination et de curiosité. « La Déesse de la Lune ne fait pas d'erreurs. »

Mon alpha m’observe d'un regard fixe, et même les doigts du grand alpha cessent de tambouriner.

Mon cœur s'emballe alors qu'il commence à tourner autour de moi. La panique monte en moi.

Il a l’intention de faire quoi ?

Mon souffle se coupe quand il saisit fermement mes poignets et fait remonter lentement ses mains le long de mes bras, si grandes comparées aux miennes, pour les poser finalement sur mes épaules.

Son contact envoie des frissons dans mon dos. Ses lèvres m’effleurent une oreille, et je sens son souffle chaud sur mon cou.

« Dis-moi, petite, pourquoi tu penses que la Déesse de la Lune n'a pas fait d'erreur ?

« Est-ce que tu aimes l'idée d'être liée à l'un des hommes les plus puissants du monde ? tu penses que je vais te protéger de tes harceleurs ? C'est ça ? »

Je sens de la bile monter dans ma gorge. « Non. »

« Eh bien, si la Déesse de la Lune ne fait pas d'erreurs, elle a certainement un sens de l'humour exquis en m’accouplant avec quelqu'un comme toi. »

Il a raison, je suis pathétique et faible si ma propre louve ne se manifeste même pas.

J'entends une autre voix grave derrière moi, mais je n'ose pas me retourner pour voir de qui il s'agit.

« Alpha, elle ne te convient peut-être pas, mais tu ne peux pas la rejeter. Cela nuirait à ton image et à celle de ta meute. »

Avec la main du grand alpha toujours sur mes épaules, il dit : « Tu as raison, Bêta. Je suppose que la Déesse de la Lune a décrété que mon chemin serait solitaire. »

Alors qu'il s'éloigne, un vide m'envahit. Je me sens étrangement creuse. Cette sensation est rapidement suivie d'un désir accablant. Je veux sentir ses mains sur moi encore une fois.

Mais il semble qu'il ne ressente pas la même chose, car il retourne simplement à son siège, en me laissant avec un tourbillon d'émotions et une sensation de manque.

« Je vais l'emmener avec moi. Maintenant que tout le monde a vu qu'elle est ma compagne, je n'ai pas le choix. »

« Eh bien, tu n'as pas l'air très enthousiaste ! »

Je me retourne pour voir mon oncle debout dans l'embrasure de la porte du bureau, son expression montre clairement son agacement.

« Alpha Kane », rétorque Alpha Black. « C'est une réunion privée. »

Mon oncle Jacob hausse les épaules et s'avance pour se tenir à mes côtés. « Cela concerne ma nièce, donc cette réunion m'implique. »

La colère fait briller les yeux d’Alpha Black. « Je comprends, mais tu n'as pas vu ta nièce depuis des années, donc cette soudaine préoccupation pour elle est assez intéressante. »

J'ouvre la bouche pour parler, mais mon oncle m'interrompt en posant une main ferme sur mon épaule.

« Je crois que nous avons déjà établi pourquoi je n'ai pas été en contact avec elle, mais je suis content de revoir ça en présence du grand alpha. Après tout, ton explication était à peine satisfaisante. »

Je sens la tension dans l'air alors que mon oncle et Alpha Black se fixent, dans une bataille silencieuse de regards qui se déroule devant moi.

« Je m'ennuie. » Le grand alpha se lève de nouveau de son fauteuil. « Kane. Je me fiche de ton problème avec Black, mais ta nièce est ma compagne, ce qui signifie qu'elle est ma propriété.

« Je te suggère de t'éloigner d'elle avant que je doive t'arracher la gorge. »

Animée par une poussée de colère, je fais un pas en avant, en appuyant fermement mon doigt sur la poitrine du grand alpha.

« Ne parle jamais de moi comme ça ! Compagnon ou non, je ne suis la propriété de personne.

« Je me fiche de savoir si tu es le grand alpha ou la Déesse de la Lune, si tu manques de respect à moi et à ceux que j'aime, ça ne t'apportera rien d'autre qu'une montagne de problèmes. »

Mon cœur bat à tout rompre alors qu'il arque un sourcil, tandis qu’un sourire malicieux se dessine au coin de sa bouche.

D'un geste rapide, il attrape ma main, la tire brusquement et me tord le bras derrière mon dos.

Il incline la tête et murmure à mon oreille : « Ne fais jamais l'erreur de me menacer. Compagne ou non, je te tuerai pour une telle désobéissance. Compris ? »

Je sens sa main serrer encore plus mon cou.

« Compris ? »

Je lutte pour respirer, en cherchant à articuler un mot. La prise autour de ma gorge me laisse à bout de souffle.

Ma voix reste coincée dans ma gorge, mais je parviens à murmurer : « Oui. »

« Lâche-la ! » Il y a de la fureur dans la voix de mon oncle.

Le grand alpha relève la tête et le regarde. « Tu veux mourir, Kane ? »

« Lâche-la. Tout de suite. »

Je lève les yeux. Un sourire maintenant familier se dessine sur le visage du grand alpha alors qu'il me fixe d'un regard intense.

« Vous avez de la chance que j'aie des choses plus urgentes à régler qu'un alpha insubordonné et une compagne désobéissante. »

Tout aussi soudainement qu'il m'avait saisie, le grand alpha me relâche, me laissant trébucher en avant dans les bras réconfortants de mon oncle.

Avec son soutien, je retrouve mon équilibre, et nous tournons nos regards vers le grand alpha.

Son attention se détourne et il regarde par-dessus son épaule pour s'adresser à Alpha Black. « Assure-toi qu'elle soit prête. »

Mon alpha baisse la tête en signe de soumission. « Bien sûr, Grand Alpha. »

Sans me regarder, il se lève et se dirige vers la sortie.

« Mais, et le reste des festivités ? » murmuré-je.

« Il n'y a aucun intérêt à rester. Je n'ai aucune intention de revendiquer une enfant. » Il se dirige vers la porte, puis la ferme derrière lui en sortant.

Je me tourne vers mon oncle, des larmes aux yeux.

Cela n'échappe pas à Alpha Black. « Je sais que c'est difficile, mais considère-toi chanceuse. Au moins, il est prêt à te garder dans sa meute. Tu y seras bien protégée. »

Mon cœur tambourine alors que mon oncle me pousse derrière lui, dans un geste protecteur.

« Kara, rentre chez toi. Je te rejoins bientôt. »

Je jette un coup d'œil à mon alpha et mon oncle, sentant la colère non dite qui pèse lourdement entre eux.

Mais je sais qu’il vaut mieux éviter de m'impliquer dans leur conflit. D'ailleurs, d'autres choses exigent mon attention maintenant. Je dois me préparer à partir.

Non seulement j'ai été rejetée de la manière la plus humiliante possible, mais maintenant je dois aussi quitter mon foyer.

Le grand alpha a raison : la Déesse de la Lune a vraiment un sens de l'humour tordu. Ce n'était pas suffisant que la Déesse de la Lune m'ait privée de mes parents, elle me prive aussi de mon compagnon.

Et pas n'importe quel compagnon.

Le grand alpha.